A Soweto, la victoire de Ramaphosa ravive l'espoir des jeunes

Le nouveau président de l'ANC Cyril Ramaphosa alors qu'il apprend le résultat du vote à Johannesburg, le 18 décembre 2017.

Dans les rues de Soweto, on parle de lui comme s'il était déjà le président de l'Afrique du Sud. L'élection de Cyril Ramaphosa, l'enfant du township, à la tête du Congrès national africain (ANC) a redonné espoir aux jeunes déçus par le parti au pouvoir.

"Il a grandi ici. Vous voyez cette école là-bas, c'est là qu'il a étudié. Et c'est probablement notre futur président..."

Casquette vissée sur la tête, Charlie Khoza n'en revient toujours pas. Au coin d'une rue du célèbre township de Johannesburg, cet étudiant partage une canette de soda avec une bande de copains, tout aussi incrédules.

Depuis la victoire lundi soir du vice-président Ramaphosa dans la bataille pour la présidence de l'ANC, le quartier de Tshawelo, où il est né il y a 65 ans, bruisse d'excitation.

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"Il est un modèle pour nous, car c'est quelqu'un qui est sorti du township pour devenir un incroyable homme d'affaires", s'émerveille Charlie Khoza, fermement décidé à imiter son parcours. "Il va rendre notre avenir meilleur".

Syndicaliste à la pointe du combat contre le régime raciste de l'apartheid, dauphin pressenti de l'icône Nelson Mandela, Cyril Ramaphosa s'est ensuite reconverti avec succès dans les affaires.

Multimillionnaire, il est aujourd'hui présenté comme l'un des hommes les plus riches de la "nation arc-en-ciel".

A quelques rues de là, Tshawelo, Niseman Baleyi, 39 ans, voit défiler au bout de son peigne ou de sa tondeuse les tignasses des habitants du quartier pauvre de Chiawele.

'Des emplois'
Coiffeur depuis vingt ans, ce père de deux enfants avoue avoir du mal à joindre les deux bouts. La faute à la crise qui, dit-il, éloigne les clients de son salon. Mais depuis lundi soir, il se prend à rêver à haute voix de reprise économique.

Le pays la plus industrialisé du continent africain souffre depuis des années d'une croissance atone, d'une hausse de sa dette et de ses déficits publics et d'un chômage de masse (27,7%).

Avec Ramaphosa, pronostique-t-il, "les investisseurs étrangers vont regarder l'Afrique du Sud autrement". "Ils vont venir créer des emplois pour les jeunes".

Désormais chef de l'ANC, Cyril Ramaphosa a de bonne chances de diriger le pays à la fin, en 2019, du mandat de l'actuel chef de l'Etat, le très contesté Jacob Zuma. A la condition que son parti remporte les élections générales.

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Pour cela, il va devoir convaincre les nombreux Sud-Africains lassés des promesses non tenues du parti anti-apartheid.

Frais universitaires gratuits, construction de logements sociaux, emplois, redistribution des richesses... Les revendications de la majorité noire sont nombreuses. Près d'un quart de siècle après la chute de l'apartheid, leurs griefs vis-à-vis de l'ANC aussi.

"Depuis vingt ans, il ont pris beaucoup d'engagements, mais n’en ont respecté aucun", cingle Mzandile Msingo.

'La faute à Zuma'

Alors, en attendant que les promesses de son successeur se concrétisent, il se satisfait d'abord du départ de Jacob Zuma.

"Je ne soutiens plus l'ANC à cause de Zuma ! Il a utilisé l'argent du gouvernement pour rénover sa propre maison !", s'indigne Mzandile Msingo entre deux bouffées de cigarette. "Il fait les choses pour lui, par pour son pays".

Président de l'ANC depuis 2007 et du pays depuis 2009, M. Zuma traîne derrière lui une longue liste d'accusations de corruption. En 2016, il a été contraint de rembourser une partie des frais de rénovation de sa résidence privée, puisés sur des fonds publics.

Faute d'emploi, Mzandile Msingo passe l'essentiel de ses journées sans rien faire, au milieu des ordures qui bordent un immeuble à la peinture flétrie, avec d'autres jeunes.

"Avec Ramaphosa, j'attends de voir", lâche-t-il. "Peut-être que quelque chose de nouveau peut éventuellement sortir de l'ANC", avance-t-il avec prudence.

Trop tard, a déjà tranché Ricky Makoala, 27 ans. Au chômage depuis deux ans déjà, il a déjà tourné le dos à l'ANC et rejoint les rangs des Combattants pour la liberté économique (EFF).

Ancien du parti au pouvoir en rupture de ban, son bouillant chef Julius Malema séduit les jeunes des townships en leur assurant que la nationalisation des mines et la redistribution des terres détenues par les Blancs les sortiront de la misère.

Autant dire que l'élection de Cyril Ramaphosa n'a pas du tout convaincu Ricky. "Ce sont tous les mêmes", tranche-t-il, "des alliés du monopole blanc".

Avec AFP