Accusations de prévarication : la BAD temporise malgré l'appel de Washington

Siège de la Banque Africaine de Développement à Abidjan, le 4 octobre 2016 (VOA/Nicolas Pinault)

Pressée par Washington d'accepter une enquête indépendante sur son président Akinwumi Adesina, accusé de prévarication, la Banque africaine de développement (BAD) a fait savoir jeudi qu'elle n'avait pour l'heure pris "aucune décision" dans ce dossier.

Mardi, le bureau du Conseil des gouverneurs de la BAD a tenu une réunion "pour examiner l'affaire découlant d'une plainte de lanceurs d'alerte contre le président de la BAD", explique dans un communiqué la présidente de ce Conseil, Nialé Kaba, également ministre ivoirienne du Plan et du développement.

"Aucune décision n'a été prise tel que faussement véhiculé par certains médias", déclare-t-elle sans donner plus de détails.

Des médias avaient annoncé mercredi que le Conseil des gouverneurs avait accepté la demande formulée par le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin. M. Mnuchin avait réclamé le 22 mai une enquête "approfondie" et "indépendante" sur les accusations portées contre M. Adesina par un groupe de "lanceurs d'alerte", telles que "comportement contraire à l'éthique, enrichissement personnel et favoritisme".

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Le Nigeria, premier actionnaire de la BAD, a apporté jeudi son soutien à M. Adesina, qui est le premier Nigérian à diriger l'institution depuis sa création en 1964.

"La demande d'une +enquête indépendante+ sur le président est étrangère aux règles et procédures établies" de la Banque, a écrit la ministre nigériane des Finances Zainab Ahmed dans une lettre datée de jeudi et adressée à Mme Kaba.

M. Adesina a de son côté clamé son "innocence" dans un communiqué mercredi et a affirmé qu'il allait "continuer à travailler".

"En aucun cas, il n'a été demandé au président (Adesina) de démissionner", a précisé Mme Kaba, alors que certains médias avaient évoqué une possible "mise en retrait".

La présidente du Conseil des gouverneurs a aussi indiqué avoir "reçu des lettres de certains (Etats) actionnaires (de la BAD) exprimant des points de vue différents" sur cette affaire.

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Une réunion au complet du Conseil des gouverneurs pourrait être convoquée prochainement pour débattre de l'affaire, a indiqué une source bancaire.

Economiste spécialiste du développement et ancien ministre de l'Agriculture du Nigeria, Akinwumi Adesina, 60 ans, est actuellement le seul candidat pour un second mandat de cinq ans à la tête de l'institution panafricaine de développement.

L'élection doit se tenir fin août. Mais sa position apparaît désormais largement fragilisée et sa réélection très incertaine, selon les observateurs.

Le secrétaire américain au Trésor avait exprimé dans sa lettre ses "sérieuses réserves" sur l'enquête interne menée par la BAD qui l'avait conduite début mai à disculper totalement M. Adesina, mis en cause depuis le début de l'année par les "lanceurs d'alerte".

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L'ancien président du Nigeria Olusegun Obasanjo (1999-2007), qui jouit d'une certaine autorité morale dans son pays et sur le continent, a apporté un soutien à son compatriote en appelant, dans une lettre datée de mardi, une douzaine d'anciens chefs d'Etat africains à "se lever" pour "défendre" la BAD.

"Le secrétaire américain au Trésor dénigre la Banque et bafoue l'ensemble de son système de gouvernance", et cette attaque "sans précédent"pourrait conduire à la "fin" de l'institution, estime M. Obasanjo, appelant ses ex-homologues à signer un communiqué de presse conjoint.

La BAD compte 80 pays actionnaires (54 pays africains et 26 non africains, d'Europe, d'Amérique et d'Asie). Elle est la seule institution africaine cotée triple A par les agences de notation financière.

Elle aréalisé en octobre 2019 une augmentation de capital géante, qui a plus que doublé, passant de 93 à 208 milliards de dollars, considérée comme un succès personnel pour M. Adesina.

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En interne, sa gestion du personnel a cependant causé des remous depuis cinq ans, entrainant le départ de nombreux cadres.