Afonso Dhlakama, une vie de rebelle

L'ancien chef de l'opposition Afonso Dhlakama à Maputo, au Mozambique, le 11 octobre 2014.

Guérillero jusqu'au bout. Le chef de la rébellion et de l'opposition mozambicaines Afonso Dhlakama, qui devait être enterré jeudi, est mort au milieu de ses troupes, épilogue d'une vie de combat contre le régime qui dirige le Mozambique depuis un demi-siècle.

Il y a des années déjà, dans son camp des montagnes de Gorongosa (centre) où il guerroyait contre le gouvernement du Front de libération du Mozambique (Frelimo), le patron de la Renamo s'était fait une promesse.

"Croyez-moi, écrivez ce que je dis, jamais les balles du Frelimo ne me tueront", avait-il lancé à un journaliste. "Je mourrai d'une malaria ou d'une maladie, le jour que Dieu choisira".

Afonso Dhlakama a tenu parole, mort le 3 mai à l'âge de 65 ans d'une crise cardiaque dans son repaire du centre du pays.

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Une dernière ligne à sa légende, se sont enthousiasmés ses inconditionnels. "Les exemples où il a fait ce qu'il a promis sont nombreux", a souligné sa nièce Ivone Soares, la chef du groupe parlementaire de la Renamo.

"Je me sens orpheline", a confié Mme Soares, une des prétendants à sa succession, "parce que j'ai perdu mon héros".

Pendant près de quarante ans, Afonso Dhlakama a incarné à lui seul la Résistance nationale du Mozambique (Renamo) sous toutes ses facettes. Tour à tour chef militaire et négociateur politique, tribun jovial et despote autoritaire.

"Dhlakama était la Renamo, la Renamo était Dhlakama", résume la doctorante suédoise Johanna Nilsson, de l'université d'Uppsala, qui écrit une thèse sur le parti.

Afonso Dhlakama à Maputo, 25 octobre 2009.

"S'allier au diable"

Fils d'un chef traditionnel toujours vivant, Afonso Marceta Macacho Dhlakama est né le 1er janvier 1953 dans un petit village du centre du Mozambique, Mangunde.

Comptable de formation, le jeune homme sert dans les rangs de l'armée coloniale portugaise de 1971 à 1973. Puis il change de camp et rejoint un an plus tard ceux du Frelimo, en guerre pour l'indépendance qu'il obtient en 1975.

Très vite, il claque la porte du parti au pouvoir pour participer à la création de la Renamo, qui entre en rébellion contre le nouveau régime marxiste pur et dur de Maputo avec le soutien actif de la très anticommuniste Afrique du Sud de l'apartheid.

Numéro 2 de la guérilla, M. Dhlakama en prend les rênes fin 1979 à la mort du commandant Andre Matsangaissa, tué au combat.

Le jeune généralissime - il n'a que 26 ans - s'illustre par sa brutalité. Ses adversaires lui reprochent de multiples atrocités et un recours sans scrupule aux enfants-soldats.

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"Il fallait être armé pour combattre le pouvoir communiste", plaide aujourd'hui un de ses ex-conseillers, Edwin Hounnou, "on se serait allié au diable tant ce régime était horrible".

Après seize ans d'une guerre civile sans merci qui fait plus d'un million de morts et dévaste l'économie du pays, la Renamo signe finalement les accords de paix d'octobre 1992 à Rome. Commence alors sa difficile mue en parti politique traditionnel.

Sur ce terrain, la carrière d'Afonso Dhlakama n'est qu'une longue succession d'échecs électoraux.

Malgré ses talents d'orateur et sa priorité affichée pour la défense des pauvres, il est battu à chaque scrutin présidentiel par son rival du Frelimo. La Renamo n'a pas de programme et peine à contrer l'organisation du parti au pouvoir.

Lors des funérailles de Afonso Dhlakama à Beira, Mozambique, le 9 mai 2018.

Pourparlers

Lassé, l'ex-rebelle renoue avec la rhétorique menaçante et reprend les armes fin 2013. Le Frelimo cède et accepte de changer les lois électorales. Mais rien n'y fait. Afonso Dhlakama subit une nouvelle défaite cinglante en 2014 face à l'actuel président Filipe Nyusi. Et reprend le maquis un an plus tard.

Les combats reprennent, sporadiques, autour de son fief de Gorongosa, avec leur lot d'exécutions sommaires, de victimes civiles et de populations déplacées.

Mais le fil des discussions, personnelles, entre le chef de l'Etat et le néo-rebelle aux cheveux blancs n'est pas rompu.

Afonso Dhlakama décide fin 2016 de proclamer un cessez-le-feu unilatéral pour faire avancer les discussions. "Un geste de bonne volonté", justifie-t-il en février 2017 à l'AFP.

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Malgré quelques accrocs, la trêve est respectée. A la faveur de leurs rencontres dans les montagnes, les deux dirigeants réussissent à imposer à l'aile dure de leurs camps des concessions.

La mort brutale d'Afonso Dhlakama risque de tout remettre en cause. "Il a tout fait pour qu'il y ait la paix", a salué le président Nyusi à sa disparition, "c'est une mauvaise période pour nous".

Pour la Renamo aussi. Il laisse derrière lui un parti désorienté à un an et demi des élections générales.

"Il a créé un parti populaire puissant autour de lui mais sa gestion personnalisée et centralisée du pouvoir ont créé des dissidences et empêché l'émergence d'un dauphin", résume Eric Morier-Genoud, de l'université de Belfast, "c'est un de ses échecs".

Avec AFP