Au milieu du lac asséché de Molatedi, dans la province du Nord-Ouest, un veau de 7 mois n'a même plus la force de se lever, condamné à mourir faute d'eau et de nourriture. Victime de la terrible sécheresse qui frappe de plein fouet l'Afrique du Sud.
A quelques kilomètres au sud, dans le district de Madikwe, une trentaine de villageois prient autour de Josephine Motsoasele, médecin traditionnel qui sillonne la province la plus touchée du pays.
Des femmes drapées dans des pagnes colorés et quelques fermiers chantent en setswana, quasiment en transe pour que la pluie revienne. Il n'est pas encore midi mais le thermomètre affiche déjà 40 degrés à l'ombre.
"Je demande à Dieu de nous envoyer de la pluie car nous avons un gros problème. Sans la pluie, nous n'avons pas de nourriture", indique la guérisseuse.
La sécheresse, causée par le phénomène climatique El Niño, est la pire que connaît le pays depuis 1982.
Situé près de la frontière du Botswana, le lac artificiel de Molatedi, le plus grand de cette province qui héberge 3,7 millions d'habitants, est vide à 95%. Sur la terre craquelée, des centaines de vaches errent à la recherche des dernières mares, d'un ultime brin d'herbe. Pris au piège dans la boue, un âne gît près d'un des rares points d'eau. Plus loin, le cadavre desséché d'une vache a déjà été dépecé par les vautours.
Dans le Nord-Ouest, l'absence de réelle saison des pluies depuis 2010 a vidé les réserves d'eau.
Selon l'association sud-africaine des producteurs de viande rouge, 40.000 vaches sont déjà mortes dans le Kwazulu-Natal (sud) et plus de 10.000 dans l'Etat Libre (centre).
"Au moins, les années précédentes le bétail survivait", explique McDonald Modise, qui contemple dépité devant sa case en tôle une de ses vaches, morte la veille, mais déjà en décomposition à cause de la chaleur.
"Je vais la faire cuire pour mes chiens car la viande n'est même plus comestible", dit-il en allumant un feu sous une marmite en fonte.
État de catastrophe naturelle
Certains fermiers plus chanceux, comme Molemi Modise, ont les moyens d'acheter un peu de nourriture pour leurs animaux. "Si on n'a pas de pluie maintenant, je peux vous assurer que des gens vont mourir", souffle-t-il, inquiet.
Plus au sud, toujours dans la province du Nord-Ouest, les producteurs de grain sont également touchés par la sécheresse.
"Normalement, je dois planter mon maïs maintenant. Mais à cause de cette sécheresse, je ne peux rien faire", regrette Rykie Raphoto, 61 ans devant ses 230 hectares de champs désespérément vides.
"Il n'y aura plus de nourriture pour le pays et je risque de devoir mettre fin aux contrats de mes employés", ajoute celui qui emploie à plein temps quatre personnes et plus de trente en haute saison.
Selon lui, ses terres auraient besoin de 250 mm de pluie pour pouvoir planter ses céréales, l'équivalent de cinq ou six gros orages consécutifs dans la région.
Les conséquences pour l'Afrique du Sud mais aussi pour toute la sous-région qui importe le maïs produit dans le Nord-Ouest pourraient rapidement devenir dramatiques, cette céréale constituant l'alimentation de base de nombreux habitants.
"Nous avons produit environ 8 millions de tonnes de grain sur l'ensemble du pays. Lors des bonnes saisons, on peut produire de 12 à 14 millions de tonnes", explique Arno Van Vuuren, l'un des directeurs de l'association des fermiers du Nord-Ouest.
"Nos voisins nous achètent du maïs, mais actuellement nous envisageons un scénario où nous allons devoir importer. Les prix sont déjà très hauts et ils vont le rester si nous n'avons pas rapidement de la pluie", ajoute t-il.
Cinq des neuf régions sud-africaines ont déjà été déclarées en état de catastrophe naturelle.
Mardi la ministre de l'Agriculture a annoncé que 220 millions de rands (14 millions d'euros) allaient être accordés aux fermiers pour qu'ils achètent de la nourriture à leurs bêtes.
Sur le lac asséché de Molatedi, le vent brûlant se lève subitement. Molemi Modise scrute le ciel dans l'espoir d'apercevoir les nuages qu'il attend depuis des mois mais la tempête n'amène que des tornades de poussière ocre.
Selon certains experts météo, la pluie tant attendue ne pourrait tomber qu'en mars.
AFP