Ankara réclame l'extradition d'un haut responsable kurde syrien arrêté à Prague

Saleh Muslim intervenant dans une conférence à Paris, France, le 13 novembre 2013.

La Turquie a réclamé dimanche l'extradition d'un des plus importants responsables de la minorité kurde syrienne, arrêté à la demande d'Ankara la veille en République tchèque, sur fond d'opération militaire turque contre une milice kurde dans le nord de la Syrie.

Qualifié par Ankara de "chef d'un groupe terroriste", Saleh Muslim a été interpellé samedi soir dans un hôtel de¨Prague, ont déclaré les autorités tchèques et turques.

"Notre espoir est que la République tchèque le remettra à la Turquie", s'est exclamé le président turc Recep Tayyip Erdogan après avoir annoncé cette arrestation devant la foule rassemblée à Sanliurfa, une ville turque méridionale.

Le ministère turc de la Justice a à cet égard souligné dans un communiqué que des démarches "avaient commencé en vue de l'extradition vers la Turquie" de Saleh Muslim, qui encourt 30 peines de prison à perpétuité s'il y est jugé, tandis que le vice-Premier ministre Bekir Bozdag rappelait que tant son pays que la République tchèque étaient parties à la Convention européenne sur l'extradition.

Ce responsable kurde fait l'objet depuis novembre 2016 d'un mandat d'arrêt émis par les autorités turques, en lien avec un attentat commis à Ankara en février 2016 (29 morts), dans lequel il a nié toute implication.

S'il était extradé vers la Turquie, il s'agirait de l'une des captures les plus importantes par ce pays d'un dirigeant kurde depuis celle en 1999 d'Abdullah Öcalan, le chef du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), classé "terroriste" par le gouvernement turc.

Réunion confidentielle

Saleh Muslim a été jusqu'à l'année dernière coprésident du Parti de l'union démocratique (PYD), qui est considéré par Ankara comme une extension du PKK turc, engagé dans une guérilla en Turquie depuis trois décennies.

Ce mouvement politique kurde syrien est aussi le bras politique des Unités de protection du peuple (YPG), la principale milice kurde syrienne, contre laquelle la Turquie a déclenché en janvier une offensive militaire dans l'enclave d'Afrine (nord-ouest de la Syrie).

Cette opération, baptisée "Rameau d'olivier", a provoqué des tensions avec les Etats-Unis, qui ont fait des YPG leur principal allié dans la lutte contre le groupe sjihadiste Etat islamique (EI) sur le territoire syrien.

La Turquie voit d'un très mauvais oeil l'autonomie de facto acquise par les Kurdes syriens à la faveur du conflit qui ravage la Syrie depuis 2011, craignant de voir sa propre communauté kurde caresser des ambitions similaires.

Saleh Muslim, qui reste membre du comité diplomatique de la coalition TEV-DEM, notamment constituée de partis politiques kurdes syriens, dont le PYD, participait à Prague une rencontre internationale soutenue par les Américains et il devait quitter dimanche la capitale tchèque, selon un responsable kurde contacté par l'AFP.

Cette réunion était confidentielle mais un des participants turcs a photographié M. Muslim, un cliché relayé par les médias turcs, a ajouté ce responsable.

La police tchèque a confirmé qu'un ressortissant étranger de 67 ans était en détention après avoir été arrêté samedi en vertu d'une notice Interpol émise par la Turquie et que ce pays en avait été informé.

Saleh Muslim avait voyagé librement en Europe ces dernières années.

Dans un communiqué diffusé à Beyrouth, la coalition TEV-DEM a dénoncé des "politiques hostiles" de la part de la Turquie, qui a "émis des mandats d'arrêt contre des personnalités (...) de la communauté" kurde syrienne.

Avec AFP