Sur l'ensemble du pays, c'est la première fois que le Congrès national africain (ANC) affiche un score aussi bas (53,9%) depuis son arrivée au pouvoir, à la fin de la dictature raciste de l'apartheid et l'avènement de la démocratie en 1994.
Ce recul "est arrivé plus vite et dans des proportions plus fortes que ce qu'on imaginait. C'est un choc pour tout le monde", estime l'analyste politique indépendant Ralph Mathekga.
Ces dernières années, même après le retrait de la figure historique du parti, Nelson Mandela, l'ANC était habitué à remporter confortablement chaque scrutin, avec plus de 60% des suffrages.
Mais ces municipales changent la donne. Et si l'ANC reste le premier parti sur l'ensemble du pays, il subit des revers aussi symboliques qu'historiques dans plusieurs villes-clés.
Dans la capitale Pretoria, où il disposait jusqu'alors d'une solide majorité absolue c'est l'Alliance démocratique (DA) qui est arrivée en tête avec 43,1% des voix contre 41,2% pour le parti au pouvoir.
A Nelson Mandela Bay, sixième métropole du pays qui englobe Port Elizabeth, un bastion de la lutte contre l'apartheid, le camouflet est encore plus grand: la DA l'emporte avec 46,7% des voix contre seulement 40% pour l'ANC.
"Notre soutien a grandi dans toutes les communautés et particulièrement dans les bastions de l'ANC", s'est réjoui samedi le leader de la DA Mmusi Maimane, soulignant les progrès dans l'électorat noir alors que sa formation a longtemps été considérée comme un "parti de Blancs" en Afrique du Sud.
La DA - qui conserve la ville du Cap qu'elle gouverne depuis 2006 avec une écrasante majorité (66%) - devrait en revanche arriver en deuxième position à Johannesburg.
Samedi soir, 3% des bulletins devaient encore être décomptés mais l'ANC obtenait 44% des voix contre 38,9% à la DA.
Le parti au pouvoir va perdre sa majorité absolue et devra trouver des alliés pour garder le contrôle de la mairie de la plus grande ville du pays.
Dès vendredi, le vice-président de l'ANC et de l'Afrique du Sud Cyril Ramaphosa reconnaissait que le parti devait mener son "introspection".
Quel avenir pour Zuma ?
Une telle introspection pourrait passer par une remise en cause du président Jacob Zuma à la tête de l'Etat.
Samedi soir, lors d'un discours à l'occasion de la proclamation des résultats par la Commission électorale, le chef de l'Etat a salué "des élections très contestées, telles qu'elles doivent l'être dans une démocratie".
Jacob Zuma doit achever son mandat dans trois ans, mais le parti pourrait être tenté d'écourter son règne pour s'éviter un recul encore plus grave dans les urnes aux élections générales de 2019.
"Une bataille au sein du parti pourrait émerger de ces mauvais résultats et l'ANC devrait trouver une stratégie pour faire partir Zuma avec dignité", spécule Daniel Silke, analyste politique indépendant, interrogé par l'AFP.
A la tête de l'Afrique du Sud depuis 2009, le règne de M. Zuma est entouré d'un parfum de scandales.
Comme un symbole, son discours de samedi soir a été perturbé par quatre jeunes femmes brandissant des pancartes devant la tribune pour rappeler une affaire de viol dans laquelle Jacob Zuma avait finalement été blanchi il y a dix ans.
Ses ennuis judiciaires sont cependant toujours d'actualité puisqu'il est sommé de rembourser 500.000 dollars d'argent public utilisés pour rénover sa maison dans le village de Nkandla (sud), qui a ironiquement voté mercredi pour un autre parti que l'ANC.
Mais malgré ses retentissants succès à Port Elizabeth et Pretoria, la DA n'a pas réussi à obtenir de majorité absolue et devra donc s'allier avec d'autres partis pour gouverner ces villes.
Dans la capitale, les libéraux de la DA vont certainement courtiser les Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema, un exclu de l'ANC. Ce parti de gauche radicale réalise une belle percée pour ses premières municipales avec 8% des voix au niveau national et plus de 10% à Pretoria et Johannesburg.
"Une telle alliance pourrait être instable sur le long terme car la DA et l'EFF ont des idées diamétralement opposées sur tous les sujets", prévient Daniel Silke.
Avec AFP