A Banjul, les manifestations spontanées de joie pour fêter le départ de l'autocrate qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant plus de 22 ans se sont estompées dans la nuit, qui a été calme, selon une journaliste de l'AFP.
Maintenant, "nous allons attendre Barrow,de l'aéroport jusqu'au palais présidentiel", a affirmé à l'AFP Babacar Jallow, un vigile. "Avant, nous avions peur de sortir" en raison de la répression du régime de M. Jammeh, car "cet homme est un tueur", a-t-il ajouté.
A la demande de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), Adama Barrow séjourne depuis le 15 janvier à Dakar, où il a prêté serment jeudi dans l'ambassade gambienne.
Peu après la prestation de son serment, la Cédéao avait fait entrer des troupes de plusieurs de ses pays en territoire gambien. Ce déploiement avait ensuite été suspendu pour donner des chances à une ultime médiation.
Le départ en exil samedi soir de Yahya Jammeh a été obtenu à l'issue de cette médiation conduite par les présidents mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et guinéen Alpha Condé, mandatés par la Cédéao (15 pays membres dont la Guinée mais pas la Mauritanie).
M. Jammeh, 51 ans, a quitté Banjul samedi après 21H00 locales (et GMT) à bord d'un jet privé avec M. Condé pour la Guinée, ses proches et collaborateurs ayant voyagé dans un appareil d'une compagnie mauritanienne.
Les deux avions ont fait escale à Conakry, d'où ils sont ensuite partis pour Malabo, en Guinée équatoriale.
D'après des sources contactées par un correspondant de l'AFP à Malabo, M. Jammeh et sa suite sont arrivés dans la nuit.
Depuis l'éclatement, le 9 décembre, de la crise née du refus de Yahya Jammeh de céder la place à Adama Barrow, de multiples initiatives avaient été prises pour le faire changer d'avis, notamment par la Cédéao, sans succès.
Dans une déclaration commune publiée peu après le départ de de Jammeh, la Cédéao, l'Union africaine et l'ONU ont annoncé garantir ses droits, y compris à revenir dans son pays, saluant sa "bonne volonté" pour parvenir à un dénouement pacifique de la crise.
Les trois organisations veilleront à le soustraire, avec les siens, aux tentatives de "harcèlement" et de "chasse aux sorcières". Elles se portent également garantes des propriétés de l'ex-président, de sa famille, des membres de son régime ou de son parti, selon le texte.
'Gambia has decided'
Selon la déclaration commune Cédéao-UA-ONU, il sera mis fin aux opérations militaires et la Cédéao "poursuivra la résolution pacifique et politique de la crise".
Devant la presse à Dakar, Marcel Alain de Souza, cité par l'Agence de presse sénégalaise (APS, officielle), a cependant indiqué que les forces de la Cédéao resteraient en Gambie "le temps nécessaire" pour sécuriser le retour de M. Barrow, probablement dimanche, d'après une source à la présidence sénégalaise. Aucune indication supplémentaire n'avait pu être obtenu jusqu'à dimanche en milieu de matinée.
Dans la localité sénégalaise de Keur Ayib, un des points officiels pour accéder à la Gambie, des journalistes de l'AFP ont vu dans la matinée plusieurs véhicules militaires sénégalais franchir la frontière en direction de Farafegny, côté gambien.
Samedi soir, en apprenant que Yahya Jammeh avait effectivement quitté la Gambie, des habitants de Banjul sont sortis dans les rues, manifestant leur joie, notamment à Grand Banjul (banlieue), à pied, en deux-roues ou en voitures, klaxonnant, criant, chantant, selon plusieurs journalistes de l'AFP.
Certains arboraient des T-shirts affichant "Gambia has decided", le slogan des partisans du changement de régime, ayant enregistré ces dernières semaines des interpellations dans leurs rangs. Mais des pro-Jammeh, l'air abattu, louaient le sens du sacrifice de l'ex-président
Pour Steve Cockburn, un responsable du bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre basé à Dakar, l'exil de Yahya Jammeh marque le début d'un "nouveau voyage" pour la Gambie.
"Après 22 ans de peur, les Gambiens ont maintenant une occasion unique de devenir un modèle pour les droits de l'Homme en Afrique de l'Ouest", un pays où "personne n'aura peur" d'exprimer ses opinions, a estimé M. Cockburn.
Avec AFP