M. Sanchez est arrivé mercredi, accompagné d'une douzaine de ministres, pour co-présider une "réunion de haut niveau"(RHN) avec son homologue Aziz Akkhanouch. Cette rencontre au sommet, la première depuis 2015, vise à "consolider la nouvelle étape des relations" bilatérales, selon les deux parties.
Avant son arrivée, le Premier ministre socialiste a eu un entretien téléphonique avec le roi Mohammed VI qui l'a invité à revenir "très prochainement" au Maroc pour une visite officielle "en vue de renforcer cette dynamique positive dans l'excellent partenariat stratégique bilatéral", selon le cabinet royal.
M. Sanchez a mis fin en mars dernier à un an de brouille diplomatique avec le Maroc en acceptant d'appuyer les positions marocaines sur le Sahara occidental. La crise avait éclaté en avril 2021 après l'hospitalisation en Espagne – sous une fausse identité selon Rabat – du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, ennemi juré de Rabat.
La lune de miel Rabat-Madrid survient au moment où la France – autre partenaire historique de Rabat – est clouée au pilori par les politiciens et les médias marocains qui l'accusent d'avoir "orchestré" une résolution du Parlement européen s'inquiétant de la liberté de la presse au Maroc et d'allégations de corruption d'eurodéputés à Bruxelles. Les eurodéputés socialistes espagnols ont voté contre ce texte.
"Lune de miel entre Rabat et Madrid, crise froide avec Paris", constate le journaliste franco-marocain Mustapha Tossa sur le site marocain Atlasinfo.
"Plus les relations entre le Maroc et l'Espagne sont bonnes, mieux c'est pour l'Espagne, mieux c'est pour le Maroc, mieux c'est pour l'Europe, mieux c'est pour les affaires et pour les citoyens des deux pays", a plaidé M. Sanchez en clôturant mercredi un forum économique à Rabat.
Cette idylle n'est pas du goût de tout le monde en Espagne. Yolanda Diaz, numéro trois de l'exécutif et ministre du Travail représentant Podemos, n'a pas souhaité être du voyage alors que la formation de gauche radicale est opposée au virage "unilatéral" de M. Sanchez sur le Sahara occidental. Un revirement applaudi à Rabat.
A droite, le Parti populaire, principale force d'opposition, a estimé par la voix de l'eurodéputé Gonzales Pons qu'"il n'y a pas plus grande humiliation que de céder sur tout face au Maroc". Et le fait que M. Sanchez n'ait pas été reçu en personne par Mohammed VI est vu comme un camouflet par l'opposition et la presse espagnoles.
Migration et coopération antiterroriste
Vingt-quatre accords seront signés jeudi en vue de faciliter les investissements espagnols au Maroc – l'Espagne y est le troisième investisseur étranger – et nouer des partenariats dans les énergies renouvelables, le dessalement de l'eau, le transport ferroviaire, le tourisme, l'éducation et la culture. A cet effet sera approuvé un nouveau protocole financier qui doublera – à 800 millions d'euros – les aides du gouvernement espagnol pour des projets au Maroc.
Les deux parties parapheront aussi un accord visant à "normaliser totalement le passage des personnes et des marchandises" par les frontières maritimes et terrestres. L'ouverture des passages terrestres concernent les enclaves espagnoles de Melilla (dont le poste douanier est fermé depuis 2018) et de Ceuta, dans le nord du Maroc.
Au menu également, l'immigration clandestine et la lutte antiterroriste. Madrid a mis en avant la baisse de plus de 25% de l'immigration illégale en 2022 grâce à sa coopération policière avec Rabat, avec 31.219 migrants entrés illégalement en Espagne en 2022.
Cette coopération, saluée par Rabat, a toutefois été ternie par la mort d'au moins 23 migrants soudanais qui avaient tenté en juin dernier de s'introduire dans l'enclave de Melilla via la ville frontière marocaine de Nador. Le ministre de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, plaidera auprès de son homologue marocain, Abdelouafi Laftit, pour réactiver les voies d'expulsion des migrants en situation irrégulière et retrouver les niveaux antérieurs à la pandémie de Covid-19, selon une source du ministère espagnol.
Rabat est enfin considéré comme un partenaire clé dans la lutte antiterroriste. Un sujet important pour Madrid après une attaque fin janvier imputée à un jeune Marocain en situation irrégulière contre deux églises à Algésiras (sud) dans laquelle un sacristain a été tué.