La colère des Haoussas gagne une bonne part du Soudan

Si le calmeest désormais revenu dans l'État du Nil Bleu, la violence a gagné plusieurs autres États.

Des milliers de Haoussas, ethnie impliquée dans un récent conflit tribal qui a fait 79 morts, défilent mardi à travers le Soudan aux cris de "Vengeance", "les Haoussas aussi sont des citoyens", illustrant un peu plus la fragilité d'un pays déjà au bord du gouffre.

A Khartoum, sur l'avenue de l'aéroport, l'une des principales artères du centre-ville, la police a tiré des grenades lacrymogènes sur des centaines de manifestants qui brandissaient des banderoles disant "Non aux tueries de Haoussas", a constaté un journaliste de l'AFP.

Car la question tribale est sensible dans ce pays, un des plus pauvres au monde, sorti seulement en 2019 de 30 ans d'une dictature militaro-islamiste qui jouait régulièrement sur la corde sensible des divisions ethniques et tribales. Sous son règne, Omar el-Béchir a mené des guérillas régionales, contre lesquelles il envoyait des miliciens de tribus rivales.

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Les Hausa soudanais protestent pour un accès aux terres et à l'eau

En 2020, le nouveau pouvoir composé de civils et de militaires censé mener le pays vers la démocratie signait la paix avec plusieurs de ces groupes rebelles, promettant paix et développement jusqu'aux confins les plus reculés du pays.

Mais en octobre 2021, un coup d'Etat militaire a rompu l'alliance entre civils et militaires et, surtout, l'accord de paix n'a pas mis fin aux conflits tribaux qui ont fait ces derniers mois des centaines de morts, particulièrement au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad.

Défilés et routes bloquées
La semaine dernière, les affrontements dans le Nil Bleu ont fait, officiellement, 79 morts et 199 blessés. Ce qui a entrainé le déplacement de 17.000 personnes, dont 14.000 survivent désormais dans trois écoles d'al-Damazine, chef-lieu du Nil Bleu, rapporte mardi l'ONU.

Ces affrontements éclatent généralement pour l'accès à l'eau et aux terres, vitales pour agriculteurs et éleveurs – souvent issus de tribus rivales – dans un pays où de très nombreuses armes circulent après des décennies de guerre civile. De nouveau, c'est pour l'accès à des terres que la violence a éclaté lundi dernier entre les Haoussas – l'une des plus grandes ethnies d'Afrique présente du Sénégal au Soudan – et le clan des Bartis au Nil Bleu, frontalier de l'Ethiopie.

Si le calme y est désormais revenu, la violence a gagné plusieurs autres Etats, notamment Kassala, plus au nord, où lundi des milliers de Haoussas ont incendié des bâtiments publics. Mardi, ils étaient des milliers à manifester à Khartoum, au Kordofan-Nord (centre) ou à Kessala, Gedaref et Port-Soudan sur l'est côtier, ont constaté des journalistes de l'AFP.

A el-Obeid, chef-lieu du Kordofan-Nord à l'ouest de Khartoum, et à Port-Soudan, sur la mer Rouge, ils étaient dans chaque ville plusieurs milliers à converger vers le siège du gouvernorat aux cris de "les Haoussas vaincront". Là, ils ont remis aux deux gouverneurs des lettres de doléance réclamant "justice pour les martyrs", ont rapporté les photographes de l'AFP.

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Une soixantaine de morts dans un conflit tribal au Soudan

A Gedaref, où vivent nombre des trois millions de Haoussas du pays, ils étaient 4.000 à scander "Les Haoussas sont aussi des citoyens" et "vengeance". A al-Chouak, dans le même Etat, "500 Haoussas bloquent l'autoroute Khartoum-Kassala", a rapporté à l'AFP un habitant, Saleh Abbas.

Tribu et politique

Les Haoussas, musulmans comme la plupart des Soudanais, ont leur propre langue, le haoussa, et vivent principalement de l'agriculture au Darfour, dans l'Etat d'al-Jazira, au sud de Khartoum, ainsi que dans les Etats de Kessala, de Gedaref, de Sennar et du Nil Bleu, qui bordent l'Erythrée et l'Ethiopie.

D'autres tribus avant eux ont déjà paralysé le pays avec des blocus sur les routes et les docks de l'Est, les Beja, qui réclament une meilleure représentation au sein des nouvelles autorités. A l'automne dernier, ils avaient empêché des semaines durant tout commerce dans le pays.

Les violences – tribales ou insurrectionnelles – connaissent un regain, notent les experts, depuis le putsch du chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, qui a créé un vide sécuritaire.

Et elles servent, accusent les pro-démocratie, le pouvoir militaire et ses alliés ex-rebelles qui font ainsi pression pour obtenir des gains politiques. Et repousser l'échéance d'un retour au partage du pouvoir avec les civils comme le réclame la communauté internationale.

Les pro-démocratie, qui manifestent régulièrement depuis le putsch, ont annoncé mardi qu'ils défileraient dimanche sous le slogan "une seule nation" en hommage aux victimes et "contre le tribalisme".