"C'est certainement la première fois que la Chine se retrouve confrontée à ce genre de situation", a assuré à l'AFP un spécialiste des relations entre Pékin et l'Afrique, qui a souhaité garder l'anonymat.
Le Congo "cherche à se mettre sous la protection du FMI pour éviter un éventuel défaut de paiement. La Chine, qui détient plus d'un tiers de sa dette externe, n'est pas vraiment à l'aise avec cette procédure", a-t-il noté.
Julien Marcilly, chef économiste de l'assureur-crédit Coface basé en France, rappelle que la Chine "a prêté à tout-va ces dernières années, souvent à des pays qui produisent et exportent des matières premières, en particulier du pétrole". Or "Pékin commence à se rendre compte que les problèmes peuvent s'accumuler", notamment après le défaut de paiement du Venezuela.
Lire aussi : Brazzaville n'arrive toujours pas à conclure avec le FMILa situation à Brazzaville est d'autant plus inquiétante que le pays avait bénéficié en 2005 d'une importante réduction de sa dette, au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), qui avait fait passer la dette extérieure des pays concernés, en moyenne de 119% du PIB à 33%.
En 2014, ce petit pays d'Afrique centrale riche en pétrole a subi de plein fouet la dégringolade du cours du brut, "une chute non anticipée et très brutale, liée paradoxalement au ralentissement chinois", selon M. Marcilly.
Résultat: un PIB divisé par deux qui a entraîné une explosion de son endettement à 110% du PIB en 2017, dont plus d'un tiers en mains chinoises, soit environ 2 milliards de dollars, selon les sources.
Pour faire face, le gouvernement congolais a appelé au secours le FMI, le prêteur de dernier recours. Un accord a été trouvé il y a un an, soumis à l'approbation du FMI.
Une année plus tard, le programme n'est toujours pas validé. Le FMI impose notamment comme condition que la dette soit soutenable "à l'issue du programme et des réformes mises en place", a expliqué une source française.
Lire aussi : Sassou affirme que le Congo est bien loin de la banquerouteUne restructuration de la dette s'impose donc, et un accord avec la Chine est indispensable pour disposer de l'aide du FMI.
Or, Pékin n'a pas cette habitude. Le Sri Lanka, par exemple, incapable d'honorer ses créances, a dû céder à la Chine le contrôle pour 99 ans d'un port en eaux profondes.
Interrogés par l'AFP, ni le FMI ni les autorités chinoises n'ont souhaité s'exprimer.
"Logique de créancier"
Le contexte politique n'est en outre pas favorable à Brazzaville: aux Etats-Unis, premier actionnaire du FMI, une quinzaine d'élus ont écrit en août au secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, pour qu'il exerce son influence afin "d'empêcher des programmes" avec les pays trop endettés avec Pékin.
"Pour les Etats-Unis, il est hors de question que le FMI vienne à la rescousse des pays endettés avec Pékin", a expliqué l'une des sources consultées.
Conséquence: "le Fonds a établi un rapport de force dans une logique de créancier. Il veut être remboursé à la fin du programme et s'assurer donc que la dette soit soutenable", selon une source française.
"Il a fallu attendre la réunion de printemps du Fonds, à mi-avril, pour que la Chine prenne part aux discussions sur le programme avec Brazzaville. Jusque-là, elle ne dialoguait qu'en bilatéral" avec le Congo, selon le spécialiste des relations sino-africaines.
Cette réunion a donné des résultats: "la Chine a fait des efforts, ça avance", a assuré à l'AFP une source congolaise en marge de la récente réunion du Fonds, évoquant "un problème d'interprétation de ce que Pékin avait indiqué depuis des mois".
"Nous espérons que le programme sera approuvé d'ici la prochaine réunion du conseil d'administration du FMI en juin", a-t-elle ajouté.
"Nous comprenons que c'est en très bonne voie, mais ce n'est pas encore signé", a constaté une source française. La présidence française du G7 s'est fixé pour priorité la transparence des prêts passés avec les pays en développement, notamment africains, où Paris est garant du franc CFA.
La question de la dette des pays liés à Pékin est l'une des critiques fréquentes à l'encontre du projet des nouvelles routes de la soie lancé par le président chinois Xi Jinping. Ce dernier réunit jusqu'à samedi à Pékin près de 40 dirigeants mondiaux pour un deuxième sommet.