Nana Akufo-Addo, le président du pays d'Afrique de l'Ouest de 33 millions d'habitants, a promulgué jeudi dernier la loi dite "sur l'action positive et l'égalité des genres", moins de trois mois avant l'élection présidentielle prévue le 7 décembre qui élira son successeur. La loi, votée en juillet par les parlementaires, invite les services publics, de sécurité, l'appareil judiciaire, le parlement, les partis politiques, les syndicats et le secteur privé à "s'assurer de l'égalité des genres". Elle impose notamment qu'au moins 50% des emplois dans la fonction publique et les postes de décision soient occupés par des femmes d'ici 2030. Actuellement, moins de 15% des parlementaires ghanéens sont des femmes.
Les entreprises du secteur privé devront mettre en place des "quotas" de postes réservés aux femmes en échange de quoi elles recevront des "avantages fiscaux". Selon la Banque mondiale, les postes de direction dans le secteur privé ne sont occupés qu'à 27% par des Ghanéennes. "C'est plus qu'une simple loi, c'est la clé qui permettra de libérer le potentiel de générations de femmes qui attendaient le moment de s'élever", explique à l'AFP Celestine Damoah, responsable du plaidoyer au Centre pour la démocratie et le développement socio-économique, un cercle de réflexion basé au Ghana.
Your browser doesn’t support HTML5
L'accouchement législatif aura duré près de 30 ans: une première version de la loi avait été présentée au parlement en 1998, puis plusieurs autres ensuite, sans être jamais adoptées. Les deux principaux partis politiques du Ghana, le New Patriotic Party (NPP, au pouvoir) et le National Democratic Congress (NDC, opposition), ont annoncé dans leurs récents programmes de campagne des mesures visant à promouvoir l'égalité des sexes dans la fonction publique, l'éducation, le système judiciaire et d'autres secteurs stratégiques une fois au pouvoir. Le NDC a promis de créer une banque de développement pour les femmes offrant des prêts à faibles taux aux entreprises qu'elles dirigent et détiennent. Le NPP a lui promis de créer un Fonds d'autonomisation du commerce des femmes (WoTEF) pour soutenir les entreprises détenues par des femmes.
"Eduquer la société"
Malgré l'optimisme né de l'adoption de cette loi, des questions subsistent sur sa mise en œuvre et son application, dans une société qui reste en grande partie conservatrice. Les violences faites aux femmes y restent prégnantes: 38,7% des femmes mariées âgées de 15 à 49 ans admettant avoir subi des violences conjugales selon un rapport du gouvernement ghanéen datant de 2016. Il y a encore "beaucoup à faire pour changer les mentalités et faire comprendre aux gens que les femmes peuvent faire le même travail que les hommes, si ce n'est mieux", souligne Rodaline Imoru Ayarna, membre de l'Alliance pour le changement révolutionnaire, une coalition de partis et d'organisations de la société civile.
Lire aussi : La résilience des Africaines en politique
Si la nouvelle loi constitue "un progrès", il est nécessaire d'éduquer une société "en prise avec des normes et des valeurs culturelles profondément ancrées, notamment en ce qui concerne les questions de sexualité et d'identité de genre", abonde l'avocate et militante Sheila Minkah-Premo. "Il faut éduquer et sensibiliser les gens pour leur faire savoir que l'égalité des chances doit être donnée aux hommes et aux femmes pour qu'ils atteignent le meilleur d'eux-mêmes", et ce "dès l'école" explique-t-elle à l'AFP. "Il faut donner la priorité à la mise en oeuvre concrète" de cette loi, estime de son côté Shamima Muslim, de l'ONG Alliance pour les femmes dans les médias en Afrique.
Ces derniers mois, une autre loi a mobilisé le débat public au Ghana, largement soutenue par une partie de l'opinion conservatrice: celle dite "des valeurs familiales" visant à restreindre les droits des personnes LGBT+. Adoptée par les députés ghanéens fin février, elle est toujours en attente du paraphe présidentiel.