Au Laos, avant la visite d'Obama, les bombes américaines font encore des victimes

Le président américain Barack Obama embarque à bord de l'Air Force One au départ d'Hawaï pour participer à des sommets au Laos et en Chine, le 31 août 2016.

C'était le début des vacances scolaires, Viet aidait sa famille aux champs quand sa pelle a heurté une petite bombe datant de la guerre du Vietnam, qui en explosant l'a blessé aux mains et au visage.

Quand l'accident s'est produit, en juin, "nous avons dû marcher pendant plus de deux heures, alors que mon frère était en sang", raconte son frère aîné à l'AFP, au chevet de Viet, à l'hôpital provincial de Xieng Khouang, dans le nord de ce petit pays d'Asie du Sud-Est.

Nous avons marché "jusqu'à ce qu'une moto arrive et nous emmène finalement à l'hôpital", se souvient-il, à quelques jours d'une visite de Barack Obama au Laos.

Le garçon de 13 ans est l'une des dernières victimes de ces millions de bombes à fragmentation américaines qui constituent une menace quotidienne pour la population laotienne depuis plus de cinquante ans. Elles font chaque jour de nouvelles victimes, dont 40% d'enfants.

Le Laos est le pays du monde qui a reçu le plus grand nombre de bombes par habitant, lorsque la guerre du Vietnam a débordé sur son sol de 1964 à 1973.

Washington tentait alors de couper les voies d'approvisionnement des combattants nord-vietnamiens. Plus de deux millions de tonnes de bombes y ont été lancées. Environ 30% n'ont pas explosé, soit 80 millions de bombes à fragmentation qui ont tué ou blessé plus de 20.000 personnes depuis la fin de la guerre.

Cinquante ans plus tard, Barack Obama est le premier président américain à se rendre dans ce pays voisin de la Chine. Attendu à Vientiane du 6 au 8 septembre pour un sommet régional, il doit y annoncer une augmentation de l'aide pour en finir avec cet héritage du passé.

En 2015, au total, 35 millions de dollars d'aide internationale ont été consacrés à ce fléau. Moins de 6% ont été dédiés jusqu'ici à l'aide aux victimes.

Dans la région de Xieng Khouang, l'une des zones les plus touchées par les largages de bombes, des milliers de personnes ont été amputées.

Pris en charge par les médecins plus de cinq heures après son accident, Viet a perdu plusieurs doigts.

"Devenu une charge"

Yhong Vueyha a connu les bombardements américains pendant sa jeunesse mais c'est à 63 ans qu'il en a subi les effets dans sa chair.

"Je brûlais des poubelles dans mon jardin quand une bombe à sous-munition enterrée non loin a explosé et m'a arraché le bras", raconte-t-il. Au-delà du traumatisme, il souffre de ne plus pouvoir travailler. "Je suis devenu une charge pour ma famille désormais car je ne suis plus efficace aux champs", se désole-t-il.

Mais Yhong Vueyha devrait prochainement retrouver un peu d'autonomie: il y a quelques semaines, une clinique mobile de l'ONG locale Cope, partenaire du ministère de la Santé, est venue dans son village proposer des prothèses.

"Les populations les plus affectées vivent dans ces zones très reculées et peuvent difficilement accéder à nos services. C'est pour cela que nous avons décidé d'aller directement à leur rencontre", explique Sengthong Soukhathammavong, coordinateur de la clinique mobile.

Après un moulage réalisé sur place, Yhong recevra, d'ici quelques semaines, une prothèse sur mesure pour son bras gauche. "Je n'aurai plus jamais la force que j'avais avant, c'est sûr. Mais avoir deux bras à nouveau va vraiment m'aider dans la vie de tous les jours", se réjouit-il.

Grâce à un financement des gouvernements américain et canadien, l'organisation espère pérenniser l'expérience des cliniques mobiles.

"On entend que des sommes énormes sont consacrées au déminage dans le pays, et évidemment c'est primordial", explique Thoummy Silamphan, rescapé d'une explosion qui a créé l'association "Quality of Life for UXO Survivors". "Mais il ne faut pas oublier les survivants, qui ont besoin de soins et d'accompagnement sur le long-terme".

Grâce au déminage et aux actions de sensibilisation, le nombre officiel de victimes des bombes au Laos a chuté de 300 par an en 2008 à une quarantaine depuis 2013.

Des chiffres encourageants (incluant blessés et morts), mais probablement bien en deçà de la réalité. Rien que sur l'année 2015, Quality of Life for UXO Survivors a dénombré 46 personnes victimes de bombes à sous-munition qui n'avaient jamais été recensées.

Avec AFP