Des milliers de Soudanais anti-putsch célèbrent la "révolution" dans la rue

Des manifestants soudanais célèbrent à Omdourman le 21 octobre 2022.

Des milliers de Soudanais ont manifesté vendredi pour dire "non au pouvoir militaire" près d'un an après le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane qui a mis fin à la transition démocratique. "Le peuple veut la chute du régime", ont scandé les manifestants à Khartoum.

"Les militaires à la caserne", a entonné un autre cortège à Omdourman, une banlieue de la capitale, où les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes, selon un journaliste de l'AFP sur place. Depuis l'aube, les forces de l'ordre ont quadrillé la capitale et les ponts menant vers ses banlieues. L'ambassade des Etats-Unis les a appelées "à la retenue".

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Dans les manifestations, des voix se sont élevées pour hurler "non au tribalisme" et "non au racisme", au lendemain de deux journées de combats tribaux dans l'Etat du Nil Bleu (sud), qui ont fait 150 morts.

Les manifestations ont eu lieu outre à Khartoum et dans sa banlieue, dans la ville de Wad Madani (centre), à Obeid (sud) et dans les Etats de Kassala et du Nil oriental (est).

"On manifeste pour dire on ne veut ni compromis politique ni partenariat avec l'armée. On n'est pas là pour discuter du putsch, on veut le renverser. Et pour ça, on est prêts à payer le prix, même de notre vie", a lancé à l'AFP Badaoui Ahmed, un manifestant à Khartoum.

"Retour d'octobre"

Les protestataires ont appelé au "retour d'octobre" 1964. Il y a 58 ans jour pour jour, le Soudan connaissait sa première "révolution" ayant renversé un pouvoir militaire. Une gageure dans un pays à l'histoire rythmée par les putsch et quasiment sans discontinuer sous la coupe de généraux.

En 2019, les manifestants prodémocratie pensaient avoir réitéré l'exploit. Après des mois de mobilisation, la rue avait forcé l'armée à mettre un point final à 30 ans de dictature militaro-islamiste d'Omar el-Béchir puis à partager le pouvoir avec les civils. Mais le 25 octobre 2021, le général Burhane, le chef de l'armée, les a coupés dans leur élan.

Depuis, chaque semaine, malgré 117 morts dans la répression selon des médecins prodémocratie, les antiputsch manifestent. Des appels à de nouvelles protestations les 25 et 30 octobre ont été lancés. "Tout le monde va manifester. Le régime du boucher Burhane va tomber, c'est sûr", s'enthousiasme d'emblée Othmane, un manifestant à Khartoum.

Il y a un an jour pour jour, les manifestations commémorant "la révolution d'octobre" 1964 avaient rassemblé des dizaines de milliers de Soudanais dans une démonstration de force des partisans d'un pouvoir civil. Mais quatre jours plus tard, le général Burhane menait son putsch. Depuis cette date, profitant du vide sécuritaire, les conflits tribaux se sont multipliés.

Ville entière déplacée

Les combats les plus sanglants ont eu lieu au Nil Bleu, où l'état d'urgence a été décrété vendredi par le gouverneur Ahmed al-Omda Badi qui a donné plein pouvoir aux forces de sécurité pour intervenir et "faire cesser les combats".

Mercredi et jeudi, "150 personnes dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été tuées et 86 blessées", à Wad al-Mahi dans le Nil Bleu, selon Abbas Moussa, le directeur de l'hôpital de la localité.

Là, les affrontements ont opposé les Haoussas et des tribus rivales. Maisons et magasins ont été brûlés. Dans cet Etat agricole, des heurts similaires avaient fait de juillet à début octobre au moins 149 morts et déplacé 65.000 personnes.

Durant l'été, les Haoussas s'étaient mobilisés contre la loi tribale qui leur interdit, parce qu'ils sont arrivés les derniers dans le Nil Bleu, de posséder la terre. Cette question est très sensible au Soudan, un des pays les plus pauvres au monde, où agriculture et élevage représentent 43% des emplois et 30% du PIB.

Ailleurs dans le pays, 19 personnes ont été tuées la semaine dernière à Lagowa, ville de 35.000 habitants au Kordofan-Ouest (sud), selon l'ONU. Vendredi, un commandant militaire a annoncé que la totalité des habitants de Lagowa avaient fui les violences. En tout, depuis janvier, près de 550 personnes ont été tuées et plus de 210.000 déplacées par des conflits tribaux, selon l'ONU.