Alors qu'une délégation des organisateurs avait annoncé mardi soir qu'ils demanderaient mercredi à la population la levée des barrages, l'ensemble des membres du collectif et de l'intersyndicale ont finalement décidé de poursuivre la grève, estimant que "des points manquaient" dans l'accord de principe trouvé, notamment sur la sécurité.
Les organisateurs réclament notamment que les victimes des actes de violence soient considérées comme des victimes de terrorisme, et accompagnées comme telles par les pouvoirs publics, a expliqué un des porte-parole, Salim Naoulida.
Une partie de la population dénonçait depuis le matin la "trahison" des organisateurs.
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Au bout de cinq heures de négociations avec la ministre française des Outre-mer Annick Girardin, l'un des porte-parole du mouvement social, Fatihou Ibrahime, avait pourtant salué mardi "des avancées réelles". "Le plan de lutte contre l'insécurité est acté", s'était-il réjoui à la sortie des négociations à Dzaoudzi, la préfecture.
"Nous avons demandé 15 mesures d'urgence supplémentaires, la ministre s'est engagée à remettre plus d'Etat sur le territoire", avait-il ajouté.
Il avait indiqué que les Mahorais seraient rassemblés mercredi sur la place de la République du chef-lieu Mamoudzou "pour voir avec eux s'ils voient favorablement la levée des barrages", au moins pendant un mois.
'Paroles en l'air'
Il n'y avait toutefois personne sur la place mercredi dans la matinée, a constaté une journaliste de l'AFP, et les barrages étaient tous maintenus.
Sur celui de Koungou, les manifestants ont assuré qu'ils continueraient à bloquer. "On va rester là jusqu'à ce que l'État comprenne", a dit Sais Saindu, 36 ans, fonctionnaire. "Rien n'a été signé, ce ne sont que des paroles en l'air".
Parmi les 15 mesures d'urgence obtenues, qui s'ajoutent à une première série annoncée par la ministre lundi, la lutte contre les attestations d'hébergement et de paternité de complaisance, la mise en place de navires supplémentaire contre l'immigration clandestine, la reconnaissance des associations luttant contre l'insécurité, la lutte contre l'habitat clandestin et le démantèlement des bandes sources d'insécurité.
"Je souhaite le retour au calme dans le territoire le plus vite possible puisque nous avons devant nous un court mois de travail", a dit de son côté Mme Girardin, sortie en pleine nuit de ces pourparlers.
'Stigmatisation'
A Moroni, le ministre comorien de l'Intérieur, Mohamed Daoudou a déclaré à l'AFP, que son pays refusait "la stigmatisation qui veut que tout ce qui se passe à Mayotte soit le fait des Comoriens des autres îles" de l'archipel.
Avant ces négociations, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté à Mamoudzou mardi contre l'insécurité et l'immigration clandestine en provenance des Comores, à 70 km de là, mais aussi pour réclamer davantage d'actions de l'Etat. Entre 200 à 300 manifestants avaient dans le même temps investi le conseil départemental pour dénoncer la "trahison" de certains élus qui avaient accepté la veille de discuter avec la ministre.
Lundi, la ministre avait annoncé une série de mesures en matière de sécurité et de lutte contre l'immigration irrégulière, dont des effectifs de gendarmes supplémentaires et une augmentation des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Elle a aussi ouvert le chantier, qui fait débat, d'un possible statut d'extraterritorialité pour l'hôpital, dont la maternité est la première de France avec chaque année quelque 10.000 naissances d'enfants, pour beaucoup de mères venues des Comores voisines.
L'objectif est d'enrayer la multiplication de naissances d'enfants de mères comoriennes en situation irrégulière, ce qui est perçu comme un abus du droit du sol.
"En 2015, plus d'un adulte sur deux vivant à Mayotte n'y est pas né", et les natifs des Comores "représentent 42% de la population du département", selon l'institut de statistiques Insee.
Avec AFP