Dernier acte avant la probable destitution de Rousseff au Brésil

La présidente Dilma Rousseff dans son cabinet à Brasilia, Brésil, le 12 mai 2016. (EPA/FERNANDO BIZERRA JR.)

Le Sénat brésilien donne jeudi le coup d'envoi du dernier acte du jugement en destitution de la présidente Dilma Rousseff qui, sauf surprise, va interrompre brutalement quatre gouvernements consécutifs de gauche dans la première économie d'Amérique latine.

Sous l'égide du président de la Cour suprême, la séance plénière des 81 sénateurs décidera si cette ex-guérillera de 68 ans doit ou non quitter la présidence pour avoir maquillé les comptes publics et signé des décrets engageant des dépenses sans l'accord du Parlement.

La destitution de la première femme à la tête du Brésil mettrait fin à 13 ans de gouvernement du Parti des Travailleurs (PT), fondé par l'ex-ouvrier devenu président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), parrain politique de Rousseff. Il a incarné un Brésil en plein boom économique, qui a sorti près de 40 millions d'habitants de la misère grâce à ses programmes sociaux.

Cette époque semble révolue. Quatre années de piètre croissance ont suivi jusqu'à la récession en 2015, l'augmentation du chômage (11 millions de demandeurs d'emploi), l'inflation repartie à la hausse et un déficit budgétaire de plus de 45 milliards de dollars.

La confiance dans le pays s'est écroulée pendant qu'une crise politique éclatait, émaillée de graves scandales de corruption.

Les Brésiliens eux-mêmes semblent désabusés : "Je ne sais même pas si Dilma est déjà destituée ou si elle est encore présidente", confie, à Sao Paulo, Miralva de Jesus Santos, couturière au chômage de 58 ans.

"Et je ne sais pas non plus si avec ou sans elle, cela fera beaucoup de différence pour nous".

Le procès de Mme Rousseff s'ouvre quelques jours après la clôture des jeux Olympiques de Rio-2016 pour lesquels Lula avait justement bataillé afin qu'ils soient octroyés au Brésil.

Verdict d'ici le 31 août

Le vote final qui mettra fin à la procédure controversée entamée le 2 décembre 2015 tombera au plus tard le 31 août, d'après le calendrier prévu.

C'est le vice-président de Mme Rousseff, Michel Temer, qui assure l'intérim depuis qu'elle a été écartée du pouvoir le 12 mai. C'est lui qui la remplacera jusqu'à la fin de son mandat fin 2018 si elle est destituée.

Les sondages indiquent une nette tendance en faveur de l'impeachment qui requiert une majorité de 54 voix (les deux tiers des sénateurs). Lors du vote du 9 août dernier, qui décidait ou non de mener la procédure jusqu'au bout, 59 sénateurs avaient voté pour.

"Nous devons garder espoir", a lancé mercredi soir Mme Rouseff, entourée de ses partisans dans un petit théâtre de Brasilia, promettant de se battre "avec la même force que quand j'ai lutté contre la dictature militaire".

Elle assurera elle-même sa défense devant les sénateurs le lundi 29, avant les longs débats et le vote.

La dirigeante de gauche dénonce un coup d'Etat parlementaire orchestré par Temer du PMDB (centre droite), son ex-allié aujourd'hui son rival.

Après s'être plaint d'être réduit au rôle de "vice-président décoratif", M. Temer a profité du mouvement conservateur qui régnait au Parlement et gagnait en force à mesure que la grogne sociale montait.

La crise politique a été aggravée par le scandale de corruption au sein du géant public pétrolier Petrobras qui a éclaboussé toute la classe politique, dont le PT et Lula, soupçonné de tentative d'entrave à la justice.

Problèmes identiques

Impopulaire (13% de soutien), isolée et boycottée par le Parlement, Mme Rousseff s'est réfugiée dans la résidence présidentielle pour préparer sa défense.

Si elle est destituée, elle ne pourra plus occuper de fonctions publiques pendant huit ans. Si elle est innocentée, cette économiste et ex-guérillera sous la dictature (1964-85) retrouvera son mandat.

Sa défense soutient qu'il n'y a pas de preuves concrètes pour la condamner et que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces "pédalages budgétaires".

M. Temer prendrait la tête du pays avec des problèmes identiques à ceux de sa rivale: la même impopularité (14%), un parti impliqué dans la corruption de Petrobras et une économie en récession qui l'obligera à prendre des mesures impopulaires d'ajustement budgétaire.

Mme Rousseff avait tenté de couper dans les dépenses au début de son deuxième mandat en 2014, s'attirant les foudres de ses sympathisants.

Des 81 sénateurs jugeant Dilma Rousseff, plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou font l'objet d'une enquête.

Avec AFP