Recours de la dernière heure de Dilma Rousseff contre sa destitution

La Président du Brésil Dilma Roussef parle lors de son discours à la 68e session de l'Assemblée générale des Nations Unies le mardi 24 septembre 2013 à New York . (AP Photo / Andrew Burton , Pool)

La présidente brésilienne a lancé un recours de la dernière heure devant le tribunal suprême contre sa destitution, à la veille d'un vote historique du Sénat qui s'apprête à l'écarter du pouvoir.

Les services de l'avocat du gouvernement ont annoncé qu'ils allaient demander dans l'après-midi au Tribunal suprême fédéral (STF) d'annuler la procédure de destitution de l'impopulaire dirigeante de gauche pour maquillages des comptes publics.

Ils allèguent que la procédure contre Mme Rousseff est le résultat d'une "vengeance personnelle" du président du Congrès des députés Eduardo Cunha, farouche adversaire de la présidente, qui a été suspendu jeudi de ses fonctions par la haute juridiction pour entrave aux enquête judiciaire et parlementaire le visant dans le cadre du scandale de corruption Petrobras.

L'avocat du gouvernement, l'ancien ministre de la Justice de Dilma Rousseff José Eduardo Cardozo, avait convaincu lundi le président par intérim de la chambre basse Waldir Maranhao d'annuler l'approbation de la procédure par une écrasante majorité de députés le 17 avril.

Mais cette manoeuvre a échoué: le président du Sénat Renan Calheiros a décidé dans l'après-midi d'ignorer cette "demande intempestive".

Pressé de toutes parts, le fantasque député Maranhao, lui-même soupçonné de corruption et notoirement peu préparé pour ses nouvelles fonctions, a ensuite annulé sa propre annulation de la procédure, sans explications.

L'initiative du député Maranhao a déchaîné les éditorialistes: "Surprise grotesque" (Folha de S.Paulo) ; "Acte irresponsable à la hauteur du bas clergé" du parlement (O Globo); "Il ne manquait plus que celle là" (Estado de S.Paulo).

Si le TSF n'interrompt pas le processus, Mme Rousseff devrait être écartée provisoirement du pouvoir dès mercredi soir ou jeudi matin.

Les 81 sénateurs brésiliens se réuniront mercredi à 09H00 (12H00 GMT) en séance plénière pour se prononcer sur l'ouverture formelle d'un procès en destitution de Mme Rousseff pour maquillage des comptes publics.

L'issue du vote, à la majorité simple, ne fait pratiquement plus aucun doute: une cinquantaine de sénateurs ont anticipé un revers pour Mme Rousseff, 68 ans, première femme élue à la tête du plus grand pays d'Amérique latine.

Cette ancienne guerillera torturée sous la dictature serait alors automatiquement écartée du pouvoir pour au maximum six mois, dans l'attente du jugement final des sénateurs.

Elle serait remplacée d'ici la fin de la semaine par son ancien allié devenu rival, le vice-président Michel Temer, 75 ans, dirigeant du grand parti centriste PMDB qui a claqué fin mars la porte de la coalition au pouvoir.

M. Temer peaufine en coulisses la formation d'un gouvernement de redressement économique attendu avec impatience par les marchés, avec à la clé un programme de mesures impopulaires: coupes budgétaires, réformes du régime des retraites, du droit du travail.

Lors de la session de mercredi, chaque sénateur disposera de 15 minutes de temps de parole s'il le souhaite. La séance pourrait donc durer une vingtaine d'heures et le vote n'intervenir que jeudi matin. Le président du Sénat souhaite boucler la séance dès mercredi soir.

Des manifestations de soutien à la présidente Rousseff ont été organisées mardi dans 15 Etats et dans le District fédéral (capitale Brasilia).

A Brasilia, les autorités ont érigé devant le Sénat un mur de panneaux métalliques pour séparer les manifestants pro et anti-destitution.

L'opposition accuse Mme Rousseff d'avoir dissimulé l'ampleur des déficits publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, en faisant supporter aux banques publiques des dizaines de milliards de dépenses incombant au gouvernement.

Mme Rousseff nie avoir commis un quelconque "crime de responsabilité", alléguant que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces tours de passe-passe budgétaires.

Elle se dit victime d'un "coup d'Etat parlementaire" sans base légale et exclut toute démission.

Environ 60% des Brésiliens souhaitent son départ, selon les derniers sondages. Mais ils sont à peu près aussi nombreux à vouloir celui de Michel Temer, crédité d'à peine 1 à 2% d'intentions de vote en cas de présidentielle, et à souhaiter des élections anticipées.

Le géant émergent d'Amérique latine est englué depuis début 2015 dans sa pire récession économique depuis des décennies, sur fond d'envolée de la dette, des déficits publics et du chômage.

Le gouvernement du Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir depuis 2003, est en outre éclaboussé de plein fouet par le gigantesque scandale de corruption autour du groupe public pétrolier Petrobras.

Pratiquement toute l'élite politique brésilienne est visée par les scandales de corruption, de l'ex-président Lula, mentor de Mme Rousseff, au chef de l'opposition Aecio Neves (centre-droit) en passant par le PMDB de M. Temer.

Avec AFP