Bruxelles découvre Boris Johnson l'eurosceptique pour son premier grand bain diplomatique

Que Dieu sauve le Brexit.

Les ministres européens des Affaires étrangères vont découvrir lundi leur nouveau collègue britannique, Boris Johnson, chantre du Brexit, dans un climat de crise en Europe aggravé par le terrorisme et l'instabilité en Turquie.

Le secrétaire au Foreign Office, dont la nomination surprise a suscité critiques et sarcasmes, est attendu avec une intense curiosité et une certaine appréhension à Bruxelles, la capitale de l'UE qu'il connaît bien pour y avoir été un journaliste en vue au début des années 1990.

Correspondant du Daily Telegraph, "BoJo" y avait contribué à alimenter l'euroscepticisme latent des Britanniques.

Et s'il fallait un symbole des difficultés qui le guettent, l'avion dans lequel il se rendait dimanche à Bruxelles a dû atterrir d'urgence près de Londres. Il a continué sa route par d'autres moyens.

Boris Johnson s'est pourtant voulu rassurant en arguant que quitter l'UE "ne signifie pas quitter l'Europe".

Federica Mogherini, qui dirige la diplomatie européenne, est quant à elle "prête à coopérer" avec lui "comme avec tout autre ministre des Affaires étrangères", assure son entourage.

L'ex-maire conservateur de Londres fera ses premiers pas sur la scène diplomatique européenne lundi matin à l'occasion de la réunion mensuelle des 28 ministres de l'UE. Il s'y présentera pour son premier "doorstep" (déclarations à la presse à l'arrivée et/ou au départ d'une réunion) en début de matinée.

Mme Mogherini a tenu à le recevoir dès dimanche soir "pour un premier contact" informel, à l'écart des médias.

En revanche, le dîner prévu ce même jour avec ses pairs européens pour parler de la sortie du Royaume-Uni du giron européen a été annulé.

Plusieurs capitales s'y sont opposées, jugeant que cela revenait à entamer des "négociations informelles" avec ce pays avant même que son gouvernement n'ait officiellement notifié à l'UE sa volonté de s'en séparer, en activant la clause de divorce prévue par l'article 50 du Traité de Lisbonne, selon un diplomate s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

- Dialogue inévitable -

Depuis le séisme provoqué par le référendum du 23 juin, les Européens exhortent la Première ministre britannique Theresa May à "clarifier" ses intentions et hâter les discussions avec l'UE. Le Royaume-Uni table sur le 1er janvier 2019 pour sa sortie effective du bloc.

Les négociations s'annoncent très compliquées, notamment sur la liberté de mouvement au sein de l'Union. Ainsi, le ministre britannique chargé du Brexit, David Davis, a promis dimanche de négocier avec Bruxelles pour "garantir un dédommagement généreux" aux migrants européens présents aujourd'hui dans son pays, mais n'a donné aucune assurance pour les nouveaux arrivants de l'UE.

Du point de vue de M. Davis, le dialogue est inévitable : "Boris Johnson se rend au conseil des Affaires étrangères de l'UE. Est-ce qu'ils vont lui dire +Oh, je ne peux pas vous en parler+ ? Bien sûr que non"...

Si M. Johnson vole la vedette lundi à Bruxelles à ses homologues, y compris au secrétaire d'Etat américain John Kerry en tournée en Europe, les 28 chefs de la diplomatie n'en auront pas moins du pain sur la planche.

Au cours d'un petit-déjeuner "informel" avec John Kerry, ils feront le tour des grands dossiers internationaux (Syrie, Libye, processus de paix dans l'impasse au Proche-Orient, etc.).

Puis ils enchaîneront sur leur conseil des Affaires étrangères. Deux sujets brûlants ont été ajoutés à l'ordre du jour :

- La situation en Turquie, "partenaire clé" de l'UE, où les dirigeants européens ont appelé à un "retour rapide de l'ordre constitutionnel" après la tentative de putsch contre son homme fort Recep Tayyip Erdogan.

- La lutte antiterroriste, à la demande de Paris, après la tuerie de Nice (sud-est de la France). Une minute de silence sera à cet égard observée au début de la réunion.

Les 28 discuteront ensuite de l'Amérique latine, en particulier des relations avec le Venezuela, pour lequel l'UE envisage de nommer envoyé spécial l'ex-président socialiste du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, des futurs liens avec Cuba et du processus de paix en Colombie.

Egalement au menu : la Chine -l'UE vient d'appeler Pékin et Manille à "régler pacifiquement" leur différend en mer de Chine méridionale-, la nouvelle "stratégie globale" européenne de Mme Mogherini en matière de sécurité et de défense, et l'état de la crise migratoire avant le sommet de l'ONU sur cette question prévu pour le 19 septembre à New York.

Enfin, en marge du conseil, se déroulera une réunion avec les ministres des Affaires étrangères des six pays du Conseil de Coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar).

Avec AFp