Bukola Saraki et son ambition présidentielle au Nigeria

Le président du Sénat nigérian Bukola Saraki dans son bureau à Abuja, le 24 juillet 2018.

En tant que président du Sénat, Bukola Saraki est le troisième homme politique le plus important du Nigeria. Mais c'est plus qu'à ce poste que cet ancien gouverneur aspire: il rêve d'accéder à la fonction suprême.

En déclarant mardi soir qu'il quittait le parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), pour rejoindre l'opposition du Parti populaire démocratique (PDP), Saraki a clairement fait savoir qu'il ambitionne d'être candidat à la présidentielle de février prochain. Une annonce n'a surpris personne.

Face au président sortant Muhammadu Buhari, Saraki n'avait aucune chance de remporter la primaire au sein de l'APC, pour lequel il avait déjà fait défection du PDP lors du dernier scrutin de 2015.

Reste à savoir désormais si ces manœuvres politiques réussiront à convaincre les représentants du PDP pour les primaires en septembre ou octobre, et si les accusations de corruption qui ont émergé au cours des trois dernières années de bataille avec le président Buhari ne seront pas un frein à ses ambitions présidentielles.

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"Saraki est de plus en plus important sur la scène politique nigériane", analyse Debo Adeniran, du groupe de pression du Centre pour la lutte contre la corruption et le leadership ouvert.

"Il a été assistant du président, deux fois gouverneur, sénateur et maintenant président du Sénat,... tout cela en 17 ans", explique-t-il, ajoutant "qu'il est corrompu est comme une épée de Damoclès."

- Riche et influent -

Originaire de l'Etat de Kwara (sud-ouest), Abubakar Bukola Saraki est né le 19 décembre 1962 dans l'une des familles les plus riches et les plus influentes du Nigeria.

Son père, Abubakar Olusola Saraki, fut un homme politique important dans l'ère postcoloniale ainsi que le président de la Société Générale Bank of Nigeria, institution financière qui s'est effondrée en 2006 sur fond d'allégations de mauvaise gestion.

Après des études de médecine à Londres, le jeune Saraki emboite le pas de son père, d'abord comme directeur de la banque familiale, puis entre en politique sous le président Olusegun Obasanjo avant d'être élu gouverneur de l'État de Kwara, qu'il dirigea entre 2003 à 2011.

Sénateur en 2015, il quitte le PDP, parti alors au pouvoir sous la présidence de Goodluck Jonathan, et apporte son soutien au candidat Buhari, qui marquera par sa victoire, la première alternance démocratique de l'histoire du Nigeria.

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Mais les tensions avec l'exécutif ne tardent pas à voir le jour. Saraki insiste pour prendre la présidence du Sénat, malgré les réticences apparentes du président Buhari, marquant leur premier désaccord de taille.

Soutenu par ses anciens collègues du PDP qui ont fait défection avec lui, Saraki obtient finalement le poste. Mais doit affronter aussitôt une série d'ennuis avec la justice, ce qui le conduira plus tard à dénoncer une "chasse aux sorcières" contre les opposants du chef de l'Etat.

Il fut notamment accusé d'avoir menti sur sa déclaration de patrimoine, mise au jour par le scandale des Panama Papers.

L'homme détient un grand nombre de propriétés dans les quartiers les plus riches de Lagos ou Londres, des voitures de luxe, des actions et des comptes bancaires au nom de sa femme et de ses enfants: des actifs bien supérieurs à son niveau de rémunération selon l'agence anti-corruption.

- Opposition avec l'exécutif -

Soutenu par des douzaines de sénateurs et autres hommes politiques, il mène une véritable opposition à l'exécutif, n'hésitant pas à bloquer nombres de réformes essentielles pour le pays, ou en faisant la guerre au directeur de l'agence anti-corruption, homme fort de Buhari.

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Début juillet, après trois ans de procédure, il est définitivement acquitté, le juge estimant que le procès n'était qu'un "simulacre de justice".

Il fut également accusé d'être en lien avec un gang de l'Etat de Kwara, qui a commis un braquage de banque sanglant, faisant 33 morts en avril dernier.

L'un des hommes arrêtés après les faits aurait avoué lors de son interrogatoire avoir été payé par Saraki, ce que nie catégoriquement l'ancien gouverneur.

La bataille, au sein des Chambres contre l'exécutif, se fait encore plus dure, et un groupe de parlementaires et sénateurs vont jusqu'à menacer Buhari de destitution pour sa gestion désastreuse de la sécurité à travers le pays.

Si le nom de Saraki et de son allié Yakubu Dogara, président de la Chambre des représentants, n'apparaissent jamais directement, personne au Nigeria, n'est dupe des ambitions politiques de l'un et de l'autre.

Fin juillet, des dizaines de parlementaires avaient déjà quitté le parti au pouvoir pour rejoindre le PDP. Il ne manquait plus que leur leader, Bukola Saraki.

Avec AFP