Des assaillants lourdement armés ont attaqué, vendredi 11 décembre à l'aube, deux camps militaires de Bujumbura, avant d'être repoussés après plusieurs heures d'affrontements, les plus intenses au Burundi depuis la tentative de coup militaire déjouée les 13 et 14 mai.
Aucun bilan précis n'était disponible dans l'immédiat, mais de nombreux riverains des camps, contactés par l'AFP ont fait état de combats particulièrement violents, marqués par des explosions et de tirs nourris d'armes automatiques.
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Un haut-gradé de l'armée burundaise, ayant requis l'anonymat, a fait état de "dizaines de morts chez les assaillants" ainsi que de "pertes" non précisées parmi les militaires.
Vendredi "vers 4 h (2 h GMT) des hommes lourdement armés ont attaqué le camp Ngagara et l'Iscam" (Institut supérieur des cadres militaires, l'école des officiers burundais), respectivement dans le nord et le sud de Bujumbura, a indiqué ce haut-gradé.
"Après plus de deux heures d'affrontements", les assaillants de l'ISCAM "ont été repoussés" et "pratiquement tous les assaillants ont été tués dans le camp Ngagara", a-t-il ajouté, assurant que la situation était en passe d'être "totalement" maîtrisée.
Le camp Ngagara est situé à moins d'un kilomètre de l'Assemblée nationale. L'Iscam est situé dans le quartier de Musaga, dans le sud de Bujumbura, dans un périmètre regroupant en outre deux autres installations, le "camp Base", qui sert d'entrepôt et le camp Muha qui abrite deux bataillons.
A Musaga, "des insurgés se sont introduits dans le camp Base, où ils avaient sans doute des complicités. Ils ont eu des renforts et ont pris des armes dans le magasin, avant de se rendre à l'ISCAM, qui est mitoyen", a expliqué un haut responsables des services de sécurité, sous le couvert de l'anonymat.
Les soldats du camp Muha ont alors attaqué les insurgés retranchés à l'ISCAM et les ont délogés, a-t-il ajouté.
Affrontements dans la matinée
Mais des affrontements ont continué d'être signalés dans la matinée dans divers quartiers de la capitale burundaise, quadrillée par l'armée et où des opérations de "ratissage" étaient en cours, ont indiqué plusieurs témoins. Selon une source sécuritaire, les combats avaient baissé d'intensité en fin de matinée.
"Tous les ponts sont sous contrôle de l'armée, qui y a disposé des blindés, et aucun mouvement d'un quartier à un autre n'est autorisé", a expliqué à l'AFP le haut-gradé de l'armé.
Un Conseil des ministres, présidé par le chef de l'Etat Pierre Nkurunziza, s'est ouvert vendredi, a indiqué le chef de la communication présidentielle, Willy Nyamitwe. Ce conseil était "déjà prévu" et initialement consacré au budget, a-t-il assuré, niant qu'il s'agisse d'un Conseil extraordinaire lié à la situation en cours, mais n'excluant pas qu'il se penche sur la question.
Selon une source à la présidence, une proclamation de l'état d'urgence est envisagée.
Les ambassades étrangères appellent à ne pas sortir de chez soi
Les ambassades des Etats-Unis, de Belgique, de France et des Pays-Bas ainsi que l'ONU ont appelé vendredi leurs ressortissants et employés à ne pas quitter leur domicile.
"Il n'est pas question de sortir en ville, nos ressortissants ont reçu la consigne de rester chez eux", a expliqué un diplomate européen à l'AFP, déplorant "une escalade très inquiétante; il s'agit de véritables opérations militaires ou paramilitaires qui se déroulent dans la capitale".
Le Burundi a plongé dans une grave crise émaillée de violences depuis l'annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, que l'opposition, la société civile et une partie de son camp estiment contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant permis la fin de la guerre civile (1993-2006).
L'échec du coup d'Etat militaire puis la brutale mis au pas des quartiers contestataires à la mi-juin, après six semaines de manifestations quasi-quotidiennes à Bujumbura, et la réélection à la mi-juillet du président Nkurunziza lors d'un scrutin controversé, n'ont pas empêché les violences de s'intensifier.
Des armes ont été massivement introduites dans les quartiers, où les tirs ou jets de grenade contre la police sont désormais quotidiens, les forces de l'ordre sont régulièrement harcelées en province, et des mutins ont assuré avoir mis sur pied une rébellion pour chasser M. Nkurunziza du pouvoir.
La communauté internationale s'inquiète de possibles violences à grande échelle, dans un pays à l'histoire post-coloniale marquée par des massacres entre majorité hutu et minorité tutsi.
Avec AFP