Burundi : le Parlement se réunit en Congrès pour débattre de la mission de l'UA

Des douilles de balles à Bujumbura, Burundi, le 12 décembre 2015. (AP Photo)

L'Union africaine avait annoncé vendredi son intention de déployer une mission de 5 000 hommes pour six mois renouvelables au Burundi. Le gouvernement a opposé un refus catégorique.

Les deux chambres du Parlement burundais se réunissent lundi 21 décembre en Congrès extraordinaire pour débattre de l'annonce par l'Union africaine (UA) du déploiement d'une mission de maintien de la paix au Burundi, englué dans une grave crise politique depuis huit mois.

Avec la décision vendredi de l'UA de créer une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), forte de 5 000 hommes et pour une durée de six mois renouvelables, afin d'y enrayer le cycle des violences, la pression s'est accrue sur le gouvernement burundais.

Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, qui a autorisé cette mission, avait donné quatre jours à Bujumbura pour accepter ce déploiement, faute de quoi le bloc panafricain prendrait des "mesures supplémentaires" pour s'assurer qu'il ait lieu.

Bujumbura n'a même pas attendu la fin de cet ultimatum pour opposer un refus catégorique.

"Force d'invasion et d'occupation"

"Si les troupes de l'UA venaient sans l'aval du gouvernement, il s'agirait alors d'une force d'invasion et d'occupation" et le gouvernement burundais se réserverait "le droit d'agir en conséquences", a prévenu dimanche Jean-Claude Karerwa, porte-parole adjoint du président Pierre Nkurunziza.

Dans le même temps, le branle-bas de combat a été lancé dans les rangs du CNDD-FDD, le parti présidentiel, dont plusieurs des membres ont utilisé les réseaux sociaux pour exprimer avec force leur opposition à cette mission.

La convocation en Congrès de l'Assemblée nationale et du Sénat, deux chambres archi-dominées par le CNDD-FDD, est un événement rare - c'est une première depuis le début de la crise fin avril -, qui témoigne du fait que le moment est jugé grave par le pouvoir.

"L'objectif de cette réunion extraordinaire est de donner la parole au peuple à travers ses représentants", a expliqué un cadre du CNDD-FDD.

"Le débat va être retransmis en direct à la radio et à la télévision publiques pour faire participer tout le monde, et à la fin le peuple va s'exprimer sur ce déploiement à travers ses élus", a-t-il ajouté.

Un analyste burundais ayant requis l'anonymat a estimé qu'en faisant ainsi appel aux "représentants du peuple, le pouvoir de Nkurunziza veut muscler ses arguments et donner une plus grande légitimité à son refus des troupes sur le sol du Burundi".

"La problématique du génocide"

"Sur la 'Maprobu', le peuple du Burundi doit avoir le mot final", a approuvé dans un tweet le chef de la diplomatie burundaise, Alain Aimé Nyamitwe.

"On nous a convoqués pour un débat public et médiatisé qui va porter sur la problématique du déploiement des troupes de l'UA et sur celle du génocide au Burundi", a expliqué sous couvert de l'anonymat un député proche d'Agathon Rwasa.

Chef historique des rebelles du FNL, M. Rwasa était considéré comme le principal opposant au président jusqu'à l'élection présidentielle de juillet, qui a permis à M. Nkurunziza d'être réélu pour un troisième mandat.

Contrairement au reste de l'opposition, il a ensuite accepté de "jouer le jeu" des institutions, en siégeant avec ses troupes à l'Assemblée nationale, dont il est devenu le premier vice-président.

La radicalisation du pouvoir ces dernières semaines fait peser le risque d'un génocide, selon la communauté internationale.

"L'Afrique ne permettra PAS un autre génocide sur son sol", a affirmé la semaine dernière le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, en référence au Rwanda où le génocide de 1994 a fait 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi.

L'ancien président burundais Pierre Buyoya a également mis en garde contre "un risque de génocide" au Burundi et dénoncé la volonté des dirigeants actuels du pays d'ethniciser la crise.

Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril de M. Nkurunziza à un troisième mandat, jugé par ses adversaires contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant permis la fin de la guerre civile (1993-2006) entre l'armée dominée alors par la minorité tutsi et des rébellions hutu.

La mise en échec d'un coup d'Etat en mai, la répression brutale de six semaines de manifestations quasi-quotidiennes à Bujumbura à la mi-juin et la réélection de M. Nkurunziza lors d'un scrutin controversé à la mi-juillet n'ont pas empêché l'intensification des violences, désormais armées.

Avec AFP