Le scrutin de 2019 avait été marqué par une répression meurtrière, une participation historiquement basse et une coupure totale de l'internet, des faits rarissimes au Bénin, pays jadis réputé comme modèle de démocratie.
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Aujourd'hui, la majorité des opposants de premier plan sont soit en exil soit derrière les barreaux. Cette fois, sept partis politiques dont trois se réclamant de l'opposition ont été autorisés à participer au scrutin du 8 janvier.
A 48h du vote, les affiches de campagne des différents partis parsèment les rond-points et intersections de Cotonou, capitale économique. Une poignée de militants jaillissent parfois à moto au coin d'une rue, portant à bout de bras des pancartes à l'effigie de leurs formations.
"Nous appelons les Béninois à voter dans la paix, sans violence, pour que nous soyons dotés d'un Parlement représentatif du peuple", a lancé jeudi à Cotonou, Saliou Akadiri, directeur national de campagne des Démocrates, principal parti d'opposition.
"Nous ferons tout pour que nos camarades en prison puissent être libérables grâce à une loi d'amnistie que nous allons proposer et pour que nos camarades en exil puissent retrouver leur terre natale", a assuré l'ancien ministre des Affaires étrangères.
"Soif de changement"
Deux des principaux adversaires du président Patrice Talon – le constitutionnaliste Joël Aïvo et l'ancienne Garde des Sceaux Reckya Madougou –sont toujours emprisonnés, condamnés à de lourdes peines. En 2019, l’opposition avait été interdite de prendre part aux élections et ses partisans, descendus dans les rues du centre du pays, bastion de l'ancien président Thomas Boni Yayi, avaient été violemment réprimés.
Seules les deux formations politiques acquises au président Patrice Talon – l'Union progressiste (UP) et le Bloc républicain (BR) – avaient été autorisées à prendre part à cette élection. Pendant quatre ans, aucun député de l'opposition n'a figuré au Parlement.
En 2021, les principaux leaders de l’opposition n’avaient pas réussi non plus à participer à l’élection présidentielle.
Depuis les Etats-Unis, l'opposant Komi Koutché, ancien ministre des Finances, condamné par contumace à 20 ans de prison pour détournement, s'est dit "confiant" pour Les Démocrates, parti qu'il soutient aux législatives, lors d'un appel vidéo transmis en direct du point presse jeudi à Cotonou. "Mon souhait est que l'on puisse nous retrouver bientôt et pas seulement de manière virtuelle", a-t-il dit, sourire aux lèvres.
D'autres figures de l'opposition en exil ne participeront pas à ce scrutin, à l'image de Sébastien Ajavon – arrivé troisième à la présidentielle de 2016 et condamné par contumace à 25 ans de prison. "Ce sont les mêmes personnes qui sont là depuis 1990, les Béninois ont soif de nouvelles têtes, de changement", insiste auprès de l'AFP Gaffarrou Radji, porte-parole du Mouvement populaire de libération (MPL), également de l'oppositon.
Élu en 2016, réélu en 2021, le richissime homme d'affaires Patrice Talon a lancé des réformes politiques et économiques tous azimuts en vue d'engager son pays dans la voie du développement. Mais cette modernisation s'est aussi accompagnée d'un important recul démocratique, selon l'opposition.
"Dégagistes"
Du côté du pouvoir, Distel Amoussou, chargé de mission du secrétaire général du Bloc républicain, insiste sur le "bond qualitatif" opéré depuis l'arrivée au pouvoir du président Talon.
"Nous convenons qu'aucune oeuvre humaine n'est parfaite, ces réformes sont perfectibles", admet M. Amoussou auprès de l'AFP. "Mais nous n'entendons pas laisser la place à des dégagistes sans alternatives probantes qui vont à ces élections avec une base unique, celle de l'anti-talonisme, qui n'est pas un programme de développement."
La Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), autre formation de l'opposition, tentera également de grappiller une partie des 109 sièges disponibles. La participation de l'opposition aux législatives a "pacifié" le processus électoral, le rendant "plus intéressant", note le politologue béninois Expédit Ologou.
"A l'évidence, il y a plus d'engouement dans le corps social et cela va à coup sûr relever le taux de participation", dit-il. "Mais une partie de la population ne croit plus en la sincérité du scrutin, pensant que les dés sont pipés d'avance".
Lors des législatives de 2019, l'abstention avait dépassé les 70%, un taux historiquement haut. Autre interrogation de taille: la place des femmes dans le scrutin. Le nouveau code électoral impose qu'il y ait une femme élue par circonscription, soit au moins 24 députées.
Après les élections, explique M. Ologou, on pourra mesurer "l'écart entre ce qui est donné d'office et ce qui procède de la lutte politique par les femmes et leurs partis."