Les sélections africaines friandes des binationaux pour la CAN 2017

Villarreal Denis Suarez, à gauche, célèbre avec Cedric Bakambu, à droite, leur deuxième but lors du match de quart de finale de Europa League de l'UEFA entre Villarreal et Sparta Prague au stade El Madrigal à Villarreal, Castellon, Espagne, le 7 avril 2016 .

Nés en France, passés même pour certains en équipes de jeunes chez les Bleuets, ils ont finalement opté pour la nationalité sportive du pays de leurs parents: les binationaux sont légion à la CAN-2017 qui débute samedi au Gabon et se déroule jusqu'au 5 février.

Sacrés respectivement champion d'Europe des moins de 19 ans en 2010 et champion du monde des moins de 20 ans en 2013 avec les Bleuets, Cédric Bakambu (25 ans, RD Congo) et Mario Lemina (23 ans, Gabon) ajouteront-ils une ligne à leur palmarès sous un autre maillot national ?

A moins que Riyad Mahrez (Algérie), André Ayew (Ghana), Kalidou Koulibaly (Sénégal), Mehdi Benatia (Maroc), Wahbi Khazri (Tunisie), Karl Toko-Ekambi (Cameroun), Yacouba Sylla (Mali), Floyd Ayité (Togo) ou encore Steeve Yago (Burkina Faso), tous nés et formés dans l'Hexagone, ne soulèvent le trophée à leur place.

Hormis l'Egypte, contre-exemple avec ses puissants clubs locaux, la plupart des nations majeures du continent africain ont largement eu recours aux talents d'"Européens" depuis 2009 pour devenir plus compétitives.

Le changement du règlement de la Fifa, qui a donné la possibilité à un joueur de changer de sélection nationale après 21 ans (à condition de n'avoir auparavant jamais évolué en sélection A) a facilité les choses.

Le cas le plus frappant est celui de l'Algérie: selon une étude du Centre international d'étude du sport (CIES), seulement 40% du temps de jeu en sélection revient à des footballeurs nés dans le pays en 2015. Avec une qualification pour les deux derniers Mondiaux, la stratégie a été payante.

Bras de fer

Au début de la réforme, l'appel du pays d'origine représentait pour des joueurs de second rang un repêchage inespéré de jouer de grands tournois internationaux. Aujourd'hui, ce sont des jeunes à fort potentiel, éligibles chez les Bleus, qui décident de jouer pour le pays de leurs parents.

"Tant mieux, moi aussi j'en fais partie. C'est de mieux en mieux pour notre sélection nationale. Cela augmente le niveau, et créé plus de concurrence", explique à l'AFP Cédric Bakambu, natif d'Ivry-sur-Seine, qui a "pris (son) temps" avant de faire son choix l'an dernier.

Des bras de fer entre la sélection du pays des parents et le pays de naissance commencent à se multiplier pour obtenir la préférence du joueur. L'affaire Nabil Fekir l'a montré en mars 2015. Un temps tenté par les Fennecs algériens, le prodige de Lyon a finalement choisi la France, après plusieurs rebondissements.

D'autres épisodes de ce genre sont à prévoir: Tiémoué Bakayako (22 ans), ardemment courtisé par la fédération ivoirienne de football, a expliqué n'avoir "pas encore fait son choix" entre les Eléphants et les Bleus. Steven N'Zonzi (28 ans), auteur de performances de haut niveau avec Séville, mais non sélectionné par Didier Deschamps, a laissé la porte ouverte à la RD Congo fin novembre.

'Le choix du coeur'

De quoi provoquer l'ire des pays "formateurs", à l'image des Pays-Bas qui ont vu Oussama Tannane (forfait pour la CAN-2017) et Hakim Ziyech (non-sélectionné) opter pour le Maroc en mars dernier.

"Ce sont des choix stupides, ce sont des garçons stupides qui auraient dû avoir un peu de patience", avait tancé en mars dernier Marco Van Basten, à l'époque sélectionneur-adjoint des "Oranje".

En France, le site Mediapart avait révélé en 2011 que des membres de la FFF avaient évoqué au cours d'une réunion la mise en place de "quotas" pour enrayer le phénomène, suscitant un tollé général.

Comment analyser les choix des joueurs ? La réponse tient en une seule expression souvent employée par les footballeurs interrogés sur le sujet: "le choix du coeur", une raison "qui ne s'explique pas" selon Bakambu.

"Tu as tes oncles, tes parents, tes cousins, tout le monde est mobilisé derrière toi. J'ai porté le maillot de l'équipe de France, ma famille aussi était fière de moi. Mais là ce n'est pas la même chose, cela ne s'explique pas. C'est un autre délire (rires)", explique le buteur des "Léopards". L'affectif sera-t-il payant ?

Avec AFP