CAN 2017 : à 70 ans, Kasperczak le globe-trotter peut remonter le temps

L'entraîneur de la Tunisie Henryk Kasperczak donne aussi une conférence de presse au stade de Franceville, Gabon, 14 janvier 2017. (VOA/Amedine Sy)

"Je n'y ai connu que des réussites!", clame l'entraîneur franco-polonais Henry Kasperczak. A 70 ans, ce globe-trotter à l'occasion de remonter le temps en brillant de nouveau avec la Tunisie, lors de la CAN-2017 au Gabon qui démarre samedi.

Les Aigles de Carthage débutent dimanche par un choc face au Sénégal. Dans un groupe B très relevé, ils affronteront ensuite l'Algérie et le Zimbabwe. Dans ces conditions, même si la Tunisie pointe au 4e rang africain du classement Fifa, son sélectionneur a fixé pour seul objectif une qualification pour les quarts, refusant de voir plus loin.

En convoquant le passé, Henry Kasperczak pourrait toutefois nourrir de plus grandes ambitions: en 1996, l'ex-international polonais était en effet parvenu à hisser la sélection tunisienne en finale, huit ans avant l'unique CAN remportée par la formation nord-africaine, à domicile sous Roger Lemerre.

Dans un entretien à l'AFP durant la phase de préparation, le Franco-Polonais place clairement ce premier bail en Tunisie au rang de ses meilleurs souvenirs.

"Pendant quatre ans (1994-98), il n'y a eu que de réussites", dit-il la voix légèrement éraillée, à la sortie d'un entraînement à Gammarth, en banlieue de Tunis.

Outre la finale de la CAN perdue face à l'hôte sud-africain, il rappelle la qualification pour la Coupe du monde 1998 en France, l'avant-dernière disputée à ce jour par les Aigles de Carthage. "C'est une période inoubliable", assure-t-il.

De cette première expérience, sa plus longue avec une sélection, Kasperczak en tire en outre le tournant majeur d'une carrière jusque-là quasi-exclusivement passée en clubs.

- 'Ne cherchez pas trop loin' -

Demi-finaliste du Mondial-78, l'ancien milieu de terrain du Stal Zabrze -sa ville de Silésie-, du Légia Varsovie et du Stal Mielec doit à un -triste- concours de circonstance la trajectoire qui le verra d'abord entraîner six clubs français.

Alors que ce professeur d'éducation physique de formation débute sa deuxième saison comme joueur au FC Metz, l'entraîneur de l'époque, Jean Snella, tombe malade. Juste avant sa mort, le président Aimé Dumartin consulte l'ancien adjoint d'Albert Batteux chez les Bleus pour lui trouver un successeur.

"Il lui a dit 'Ne cherchez pas trop loin, il y a ici un joueur qui peut devenir entraîneur'. Et il a donné mon nom", raconte Henry Kasperczak.

A 33 ans, le Polonais s'interroge. "Ma femme m'a rétorqué +Essaie, tu vas voir. Pendant six mois tu vas travailler ici et après on rentrera en Pologne+", sourit-il.

Ca sera le début de 13 saisons en France, cinq chez les Grenats, puis à Saint-Etienne (1984-87), Strasbourg (1987-88), au Matra Racing (1989-90) et Montpellier (1990-92).

Après une victoire en 1984 en Coupe de France avec le club lorrain, Kasperczak réussit un parcours mémorable en Coupe d'Europe avec l'équipe héraultaise. Sa mésentente avec un des dirigeants, Robert Nouzaret, le contraint néanmoins à filer à Lille, où la réussite le fuit. Limogé, il ne connaîtra qu'un autre club français, Bastia (98-99).

- 'Philosophie' -

L'heure est désormais aux sélections, une bifurcation qu'il ne paraît pas regretter a posteriori.

"En club, quand vous arrivez, les joueurs sont déjà sur place. En équipe nationale, c'est vous qui allez les choisir par rapport à la philosophie de jeu que vous pensez adopter", explique-t-il.

Ce sera donc successivement quelques mois Côte d'Ivoire, puis Tunisie, Maroc, Mali, Sénégal et de nouveau Mali: l'austère entraîneur aux cheveux grisonnants, qui officie aussi brièvement dans des clubs polonais et grec, devient globe-trotter.

De ces multiples étapes, Henry Kasperczak loue la nécessaire capacité "d'adaptation". "En arrivant, je sais que c'est à moi d'apprendre des choses, de m'adapter à ce que je trouve, les coutumes, la religion. Et footballistiquement, avec l'expérience, je trouve toujours des solutions".

A l'été 2015, il saisit l'opportunité d'un retour en Tunisie. Depuis son premier passage, le pays a fait sa révolution démocratique mais se trouve surtout confronté à l'essor du jihadisme. En mars et juin, 59 touristes étrangers ont été tués dans des attentats revendiqués par le groupe Etat islamique.

A-t-il hésité ? "Non. Dans tous les pays maintenant il y a des problèmes. Regardez en France. Nous, les entraîneurs, on reste concentrés sur le football", balaie-t-il.

Sur ses envies d'un -ultime?- défi après la Tunisie, la pudeur rattrape le jeune septuagénaire. "L'avenir, je n'y pense pas, je vis toujours au présent", évacue-t-il.