"Je vous déclare coupable" pour les 12 chefs d'accusation, dont six pour meurtres avec préméditation, a prononcé le juge François Huot à l'adresse d'Alexandre Bissonnette, 28 ans, qui est passible d'une condamnation à la prison à perpétuité, dont 25 ans incompressibles.
A l'ouverture du procès lundi, Alexandre Bissonnette avait initialement plaidé non coupable à l'ensemble des chefs d'accusation avant de reconnaître sa culpabilité quelques heures plus tard. Surpris par ce revirement soudain, le juge Huot, décidait un interdit de publication des débats et demandait une évaluation psychiatrique de l'accusé.
Mercredi à la barre du tribunal, l'expert psychiatre a estimé qu'Alexandre Bissonnette, en toute responsabilité, "a plaidé ce qu'il souhaitait plaider" en soulignant que l'accusé s'était d'abord déclaré non coupable sur "les directives de son avocat".
Le juge a alors invité l'accusé à se présenter à la barre et lui a demandé s'il maintenait son plaidoyer de culpabilité, ce que Bisssonnette a confirmé.
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L'accusé a ensuite demandé à prendre la parole en dépliant une feuille de papier qu'il avait déjà entre les mains lundi.
"J'aimerais pouvoir vous demander pardon pour tout ce que j'ai fait mais je sais que mon geste est impardonnable", a-t-il déclaré en regardant les familles des victimes et les responsables de la mosquée.
"Je suis une personne qui a été emportée par la peur et par une forme horrible de désespoir", mais a-t-il affirmé, "je ne suis ni un terroriste ni un islamophobe".
"J'avais depuis longtemps des pensées suicidaires (...) un démon qui a fini par avoir ma peau" et "libre de vider mon coeur (...) je regrette amèrement ce que j'ai fait, les vies que j'ai détruites".
Boufeldja Benabdallah, président de la mosquée, a exprimé son soulagement après l'audience. "On est satisfait et on remercie la justice d'avoir accéléré" la procédure. "Le mal est fait" et pour le pardon demandé par le tueur, "c'est aux familles à décider de pardonner, une fois le deuil passé".
Le dimanche 29 janvier 2017 un peu avant 20H00, alors que la dernière prière vient de se terminer à la mosquée au coeur d'un quartier résidentiel de Québec, Alexandre Bissonnette fait brusquement irruption et tire sur un groupe d'une quarantaine d'hommes. Six musulmans sont tués et parmi les nombreux blessés, cinq le sont grièvement, l'un étant aujourd'hui tétraplégique.
Environ un quart d'heure plus tard, Alexandre Bissonnette compose le numéro d'urgence de la police pour confesser son geste meurtrier. "Il pleure, il dit qu'il va se tirer une balle dans la tête", selon le procès verbal de la police versé à l'acte d'accusation.
Introverti, éduqué, sans histoire particulière, Alexandre Bissonnette était jusqu'à la soirée d'hiver meurtrière étudiant en sciences politiques à l'université Laval, toute proche du lieu de culte. Affichant volontiers des idées nationalistes sans être affilié à un mouvement.
Au moment des faits, il était sous traitement pour des troubles obsessionnels et de phobie sociale, selon le dossier.
Qualifiée le soir même d'"attentat terroriste" par le Premier ministre Justin Trudeau, la fusillade a été un véritable choc au Québec et dans l'ensemble du Canada, un pays bercé de discours d'ouverture et de liberté qui accueille des réfugiés par milliers, même si des militants de mouvements nationalistes défilent ouvertement dans les rues de Québec pour réclamer la fermeture des frontières.
Les six musulmans tués étaient tous des binationaux : deux Algériens, deux Guinéens, un Marocain et un Tunisien. Epicier, informaticien ou professeur d'université, ils étaient tous intégrés à la vie québécoise depuis de longues années.
Avec AFP