"Le commandant en chef de la Révolution cubaine est décédé à 22h29 ce soir (vendredi)" (03h29 GMT samedi), a déclaré vers minuit Raul Castro d'un ton volontaire et solennel, en lisant une déclaration sur l'antenne de la télévision nationale qui a brusquement interrompu ses programmes pour cette annonce historique.
Le président cubain n'a pas révélé les causes du décès, mais a précisé que Fidel Castro serait incinéré "dans les premières heures" de la journée de samedi, écartant de fait toute exposition du corps du "Lider Maximo" au public.
Quelques heures plus tard, les autorités ont confirmé que ses funérailles se tiendraient à Santiago de Cuba (est), deuxième ville du pays, le 4 décembre.
Cette cérémonie, qui devrait attirer une foule de dignitaires étrangers, sera précédée de neuf jours de deuil national jalonnés d'hommages "de masse" à La Havane et Santiago. Ses cendres relieront ces deux villes séparées de quelque 900 km lors d'une procession qui devrait aussi mobiliser des millions de personnes entre le 30 novembre et le 3 décembre.
Le premier hommage au Comandante a été programmé lundi matin, les Cubains ayant été conviés à converger vers la place de la Révolution de La Havane, habituel théâtre des grand-messes castristes.
L'onde de choc de cette annonce tombée dans la nuit s'est rapidement répandue dans les rues clairsemées de La Havane, la plupart des habitants se disant mortifiés et stupéfaits de voir disparaître l'ex-président cubain, qui récemment n'avait pas véritablement affiché de signes d'affaiblissement.
"Ça nous a tous pris par surprise, on espérait vraiment qu'il vive un peu plus longtemps. Il avait l'air en forme lors de ses dernières apparitions", a réagi Michel Gonzalez, un vendeur de cigares de 30 ans.
"Comme des milliers de Cubains je suis contrit, triste, c'est tellement soudain !", abondait, interdit, le barman Miguel Gonzalez, 24 ans, rencontré dans le Vedado, un quartier proche du centre.
Mais la plupart des Cubains n'apprendront la nouvelle que dans les prochaines heures, en se réveillant.
A Miami, bastion de l'anti-castrisme, ce sont des scènes de liesse qui ont accueilli l'annonce vendredi soir.
"C'était un criminel, un assassin et un homme misérable", vitupérait Hugo Ribas, 78 ans, au milieu d'un millier de personnes rassemblées dans le quartier de la Petite Havane ("Little Havana").
- Un style singulier -
Célèbre pour ses coups d'éclat et ses discours interminables, mais aussi pour son uniforme vert olive, ses cigares et sa barbe légendaire, le "Lider Maximo" avait cédé le pouvoir à son frère Raul à partir de 2006 après une hémorragie intestinale. Il avait abandonné ses dernières responsabilités au Parti communiste de Cuba (PCC) en avril 2011.
L'ex-président avait totalement disparu des écrans cubains entre février 2014 et avril 2015, ce qui avait alimenté de nombreuses rumeurs sur son état de santé.
Mais depuis un an et demi, même si ses déplacement restaient limités, il avait recommencé à recevoir chez lui personnalités et dignitaires étrangers.
Avant de quitter la scène, Fidel Castro a pu assister voici deux ans à l'annonce historique du rapprochement entre Cuba et les États-Unis. Sa disparition tourne donc définitivement la page de la Guerre froide, qui avait mené le monde au bord du conflit nucléaire lors de la crise des missiles d'octobre 1962.
Le président français François Hollande a estimé que Fidel Castro avait "incarné la révolution cubaine", dans ses "espoirs" et ses "désillusions", alors que les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping lui ont rendu hommage.
- Raul Castro seul aux commandes -
Désormais, Raul Castro se retrouve pour la première fois seul aux commandes, lui qui avait assuré au moment de sa nomination qu'il consulterait le "Commandant en chef" pour toutes les décisions importantes.
Agé de 85 ans, Raul a engagé depuis 10 ans un lent processus de "défidélisation" du régime, avec notamment en 2011 l'adoption lors d'un congrès historique du PCC de mesures économiques destinées à sauver Cuba de la faillite.
Pour la dissidente modérée Miriam Leyva, ce décès pourrait permettre la mise à l'écart d'une partie de la vieille garde du régime réfractaire au changement. "Je crois qu'il y a là une opportunité d'ouvrir davantage cette société et avancer plus rapidement dans les réformes", a-t-elle expliqué à l'AFP.
Sous la surveillance de Fidel, Raul Castro a également orchestré dans l'ombre le spectaculaire dégel de fin 2014 avec les États-Unis, révélant un pragmatisme qui contrastait avec l'anti-américanisme viscéral de son aîné.
Toutefois, ce rapprochement pourrait subir un coup de frein après l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis. Le magnat de l'immobilier a déjà affiché des réserves sur le rapprochement, affirmant qu'il ferait "tout pour obtenir un accord solide" avec La Havane après sa prise de fonctions le 20 janvier prochain.
Grand détracteur de la superpuissance américaine, Fidel Castro était un symbole de la lutte contre l'"impérialisme" du voisin du nord, tout en affichant un piètre bilan en matière de droits civiques et de libertés.
Communiste converti, Fidel Castro qui avait pris le pouvoir en 1959 a défié 11 présidents américains et survécu à maints complots pour l'assassiner (638 selon le Livre Guinness des records) ainsi qu'à une tentative ratée de débarquement d'exilés cubains soutenus par la CIA dans la baie des Cochons (sud de l'île) en avril 1961.
John F. Kennedy devait décréter peu après un embargo commercial et financier. Toujours en vigueur, celui-ci pèse lourdement sur l'économie du pays malgré une série d'assouplissements consentis par l'administration de Barack Obama dans le cadre du dégel.
En octobre 1962, c'est la crise des missiles, provoquée par l'installation de fusées nucléaires soviétiques à Cuba, qui engendre une surenchère et met la planète sous la menace atomique. Washington décide un blocus naval de l'île, et Moscou finit par retirer ses fusées contre la promesse américaine de ne pas envahir l'île.
Compagnon d'armes du guérilléro argentin Ernesto "Che" Guevara, le leader cubain s'est voulu le champion de l'exportation de la révolution marxiste en Amérique latine, mais aussi en Afrique.
La chute de l'URSS en 1991, principal bailleur de fonds de l'île, porte un coup terrible à l'économie cubaine, mais le "Lider Maximo" trouve une nouvelle manne avec le tourisme et surtout de nouveaux alliés avec la Chine et le Venezuela du président Hugo Chavez, présenté par Fidel Castro comme son "fils spirituel" avant qu'il ne décède d'un cancer en 2013.
Avec AFP