Retards multiples, menaces sécuritaires... Après deux ans de transition chaotique et sous forte pression internationale, et même si rien n'est prêt, la Centrafrique avance à marche forcée vers des élections "de la dernière chance", précédées dès dimanche 13 décembre d'un référendum constitutionnel.
Le premier tour de la présidentielle et des législatives, prévu le 27 décembre, est censé remettre le pays sur les rails et clore la plus grave crise de son histoire depuis son indépendance en 1960. Avant cela, les Centrafricains sont appelés aux urnes dimanche afin d'approuver la nouvelle Constitution d'une 6e République lors d'un référendum "test".
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Près de deux millions de Centrafricains - sur une population totale de 4,8 millions - se sont inscrits sur les listes électorales, signe de l'engouement suscité par le vote.
Mais à quelques jours du premier scrutin, on est loin du grand raout pré-électoral attendu. Sur les principales artères de Bangui, seules quelques banderoles appellent à voter "OUI" au référendum, soutenant que "la paix, c'est dans les urnes". De la Constitution, imprimée à 15 000 exemplaires, peu de Centrafricains disent connaître les grandes lignes.
Seuls 26 % des réfugiés ont pu s'inscrire
"Je n'ai toujours pas de carte d'électeur. Peut-on voter avec un simple récépissé ou la pièce d'identité ?", se demande comme beaucoup d'autres Natacha, une institutrice partie vivre dans un camp de déplacés après la dernière vague de violences qui a fait plus de 100 morts à Bangui depuis fin septembre, opposant comme d'habitude jeunes miliciens anti-balaka majoritairement chrétiens et groupes d'auto-défense musulmans.
Autre bémol : alors que l'enrôlement est terminé, seuls 26 % des 460 000 personnes réfugiées dans les pays voisins, dont une grande partie sont des musulmans chassés du pays en 2013-2014, ont pu s'inscrire.
Repoussées plusieurs fois à cause de l'insécurité persistante dans le pays, ces échéances représentent un défi logistique plus grand encore en province, notamment pour acheminer sous escorte des Casques bleus le matériel électoral dans des régions souvent difficiles d'accès et livrées au banditisme.
A Bangui, malgré une certaine accalmie après la venue du pape François fin novembre, les forces internationales (ONU, environ 11 000 hommes et France, 900) restent sur le qui-vive. "Ici, tout peut partir très vite", explique une source sécuritaire. D'autant qu'"un certain nombre de personnes profitent du chaos ambiant et ont intérêt à voir le processus capoter."
Violences à Bangui
Plusieurs chefs anti-balaka et ex-Séléka, la rébellion majoritairement musulmane qui avait renversé en mars 2013 le président François Bozizé avant d'être chassée du pouvoir en 2014, sont accusés d'avoir conclu une alliance pour attiser les violences à Bangui depuis des mois, après avoir commis d'innombrables exactions sur la population.
"Les conditions ne sont pas réunies pour organiser des élections, nous voulons d'abord la sécurité", assure à l'AFP Maxime Mokom, figure des anti-balaka à Bangui. Tout en prévenant que si les élections sont encore repoussées, les anti-balaka "ne reconnaîtront plus les autorités de transition" dirigées par la présidente Catherine Samba Panza.
A l'intérieur du pays, plusieurs régions de l'est et du nord restent aux mains de mouvements rebelles. L'ex-numéro 2 de la Séléka, Nourredine Adam, a prévenu qu'il s'opposerait au vote à Kaga Bandoro (nord), malgré la présence de l'ONU. Cette semaine, des hommes armés ont arraché les mégaphones et déchiré les affiches d'un groupe de jeunes menant des actions de sensibilisation sur la nouvelle Constitution.
"La tenue des élections risque d'être difficile à Kaga Bandoro et dans une ou deux autres localités", confirme un diplomate européen, qui relativise car "l'élection se joue principalement à Bangui, dans l'Ouham et l'Ouham Pende" (ouest), les deux provinces les plus peuplées du pays.
La communauté internationale pousse à ces élections
Lasse de l'interminable feuilleton centrafricain et alors que le petit pays vit sous perfusion de l'aide extérieure, la communauté internationale, France en tête, pousse à ces élections, y voyant une étape nécessaire vers la sortie de crise.
"C'est loin d'être parfait, mais il faut avancer sinon les bailleurs de fonds vont se fatiguer", affirme une source bien informée, selon laquelle le pays ne sera plus en mesure de payer ses fonctionnaires dès février.
"Ce sont les élections de la dernière chance", prévient lui l'analyste Thierry Vircoulon de l'International Crisis Group (ICG), même si "toutes les conditions négatives sont réunies pour des élections dont les résultats seront contestés".
Avec AFP