Chicago fait l'objet d'une enquête pour la bavure policière de trop

A frame grab from dash-cam video provided by the Chicago Police Department shows Laquan McDonald (R) walks down the street moments before being shot by officer Jason Van Dyke on Oct. 20, 2015.

Après avoir longtemps dû sa mauvaise réputation à ses gangsters, la ville de Chicago risque de voir désormais son image ternie par sa police, cible d'une retentissante enquête fédérale qui examinera notamment l'homicide choquant d'un adolescent noir par un policier blanc.

L'ouverture des investigations sur les forces de l'ordre de la troisième ville des Etats-Unis a été annoncée lundi à Washington par la ministre américaine de la Justice.

L'enquête "minutieuse, impartiale et indépendante" va "examiner les questions liées au recours à la force (policière), le recours à la force létale, les distinctions raciales, les mécanismes de responsabilité parmi lesquels les mesures disciplinaires", a détaillé Loretta Lynch.

Cette entrée en jeu des autorités fédérales, souhaitée par des responsables associatifs et une bonne partie des habitants de Chicago dont la population noire, intervient dans un contexte de profonde défiance communautaire.

La vive controverse est animée par une vidéo choquante montrant Jason Van Dyke, un policier blanc, ouvrant froidement le feu en octobre 2014 sur Laquan McDonald, 17 ans. L'adolescent noir avait été criblé de 16 balles.

Or, selon ces images rendues publiques le 24 novembre, plus d'un an après les faits, le jeune Laquan ne présentait aucun danger immédiat: marchant au milieu de la chaussée, tenant dans sa main un objet --un couteau selon des sources policières--, le garçon ne fait aucun geste menaçant à l'encontre des policiers qui veulent le contrôler.

- Obama 'choqué'-

Alors que l'adolescent s'écarte vers le bord de la route, Van Dyke vise et tire. Et pendant que Laquan McDonald gît au sol, l'agent continue de vider son chargeur. Il a été inculpé de "meurtre avec préméditation".

L'onde de choc provoquée par cette bavure devenue virale sur internet a entraîné le renvoi de Garry McCarthy, le chef de la police de Chicago.

Le président Barack Obama, qui a des attaches fortes avec cette ville, s'est dit "profondément choqué".

Désormais, le maire de Chicago lui-même, Rahm Emanuel, se retrouve en difficulté, accusé d'avoir cherché à étouffer le scandale.

Dans un communiqué lundi, M. Emanuel a néanmoins salué le lancement de l'enquête et promis une pleine coopération de ses services.

Ces derniers semaines Chicago a été le théâtre de manifestations quotidiennes de protestataires, brandissant des photos de Laquan McDonald le jour de sa remise de diplôme de lycée, vêtu d'une toge rouge et coiffé d'un mortier, la toque de lauréat de forme carrée.

Le révérend Jesse Jackson fait partie des personnes qui sont descendues dans la rue. "La crise en cours est énorme", a justifié le célèbre militant des droits civiques.

Lundi la procureure du comté de Cook, Anita Alvarez, qui supervise Chicago, a dévoilé une autre vidéo montrant un policier, George Hernandez, abattant un Noir de 25 ans, Ronald Johnson, également en octobre 2014.

- Les tués sont surtout noirs -

Selon la police, M. Johnson était porteur d'une arme de poing. Les images le montrent fuyant à toutes jambes les policiers à ses trousses, qui ne seront pas poursuivis, a indiqué Mme Alvarez.

Au-delà de ces cas emblématiques, l'enquête va vérifier si le Chicago Police Department (CPD) a "instauré un schéma systématique de violations de la Constitution et des lois fédérales", a assuré Loretta Lynch.

Les résultats des investigations seront rendus publics et des suites judiciaires sont possibles.

Ces 18 derniers mois, des brutalités policières ayant coûté la vie à des Noirs ont déclenché des protestations nationales, voire des émeutes comme à Ferguson ou à Baltimore.

Chicago de son côté a une longue histoire de violences et d'abus policiers.

Selon l'organisation Better Government Association (BGA), les policiers de la métropole ont tué par balle 70 personnes de 2010 à 2014, des Noirs en majorité. Soit nettement plus que dans d'autres grandes agglomérations américaines.

Avec AFP