L'assaut attribué aux miliciens ougandais musulmans des Allied Defense Forces (ADF) dans la province orientale du Nord-Kivu représente l'attaque la plus meurtrière contre la force onusienne déployée en RDC depuis 1999.
Le bilan peut encore s'alourdir. Le président tanzanien John Magafuli a indiqué que son pays était "sans nouvelles de deux autres soldats" du contingent tanzanien qui a également enregistré 44 blessés.
"J'ai reçu la nouvelle avec un grand choc. Nos soldats protégeaient la paix et la sécurité dans le pays voisin, la RDC", a ajouté le président Magafuli alors que la Tanzanie fête le 56e anniversaire de son indépendance.
Assaut pendant 3 heures
Les miliciens ont lancé leur assaut jeudi soir au crépuscule pendant trois heures contre la base de la Monusco de Semuliki dans le territoire Beni, près de la frontière ougandaise, dans la zone dite du "triangle de la mort" Mbau-Kamango-Eringeti, fief présumé des ADF.
L'armée congolaise affirme avoir tué 72 rebelles en venant "en renfort" des soldats onusiens, ne déplorant qu'un mort" dans ses rangs, selon un porte-parole, le capitaine Mak Hazukay.
Aucune réaction officielle congolaise de haut niveau n'était disponible samedi matin.
Une délégation de la Monusco doit se rendre prochainement sur les lieux de l'attaque pour une évaluation. Une délégation tanzanienne devrait se rendre à son tour mardi à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, a indiqué une source de l'armée congolaise à l'AFP.
L'attaque a eu lieu dans le territoire de Beni, où les ADF ont tué 25 civils le 7 octobre ainsi que trois autres Casques bleus tanzaniens, parmi deux de leurs cinq offensives de ces six derniers mois recensées par le "baromètre sécuritaire des Kivu" de Human Rights Watch et du groupe d'étude sur le Congo.
Les 'islamistes' des ADF
Ce même territoire de Béni a été ensanglanté par des massacres de civils entre 2014 et 2016 2015, déjà attribués aux "islamistes" des ADF.
"Les ADF sont une organisation extrêmement secrète qui observe un code de discipline interne rigoureux. Ils entretiennent des liens historiques étroits avec d'autres groupes armés de la région", selon le "baromètre sécuritaire du Kivu".
"Nous sommes dans l'une des zones les plus troubles de la RDC", analyse le chercheur français Thierry Vircoulon, qui estime que les massacres de Béni n'ont jamais été élucidés et que les ADF peuvent tout aussi bien être des agents "d'opérations de contrebande entre la RDC et l'Ouganda".
Règlement de comptes avec des Casques bleus tanzaniens sur fond d'économie de guerre et de contrôle du trafic de l'or et des minerais? Mise en insécurité des Casques bleus alors que la RDC traverse de fortes turbulences politiques? Entre plusieurs hypothèses, le chercheur "note que les Casques bleus ne font plus peur. Tous les miliciens d'Afrique centrale ont compris qu'on peut tirer sur eux".
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a demandé aux autorités de la RDC d'enquêter sur cette attaque et "de traduire promptement ses instigateurs devant la justice".
Cette attaque risque de relancer les questions voire les critiques concernant le rôle, l'utilité et l'efficacité de la Monusco, la plus pléthorique et la plus coûteuse des missions onusiennes dans le monde (18.000 personnes, 1,2 milliard de dollars par an), à la mesure de l'immensité de la RDC (2,3 millions de km2).
Sur Twitter, le frère du président Joseph Kabila et député, Zoé Kabila, a dénoncé "un événement barbare pour ceux qui nous accompagnent et les FARDC (armée congolaise) pour restaurer la paix".
"Cette choquante attaque contre la @MONUSCO doit nous alerter sur l'urgence de rétablir la paix dans une #RDC où l'Etat a démissionné", a réagi l'opposant Moïse Katumbi, ex-gouverneur du Katanga passé à l'opposition et candidat à la succession du président Kabila.
Avec AFP