Ingrid Betancourt demande aux Farc de dédommager leurs victimes en Colombie

Ingrid Betancourt, ex-otage des Farc, Paris, le 20 juillet 2018

Ingrid Betancourt, séquestrée durant six ans par les Farc en Colombie, a demandé que l'ex-guérilla dédommage ses victimes, lorsqu'elle a témoigné devant la juridiction spéciale issue de l'accord de paix signé en 2016.

"Il faut des condamnations constructives, en parallèle à tout ce qu'ils ont détruit", a déclaré cette ex-otage colombo-française et ancienne candidate présidentielle, devant les magistrats de la JEP lors d'une visio-conférence depuis Paris.

Il doit y avoir "des faits concrets qui signifient pour eux une réelle prise de conscience et une vraie reconversion suite au mal qu'ils ont fait", a-t-elle ajouté, durant sa déposition de plus de deux heures devant la JEP, chargée de juger les crimes commis pendant plus d'un demi-siècle de confrontation armée entre les Farc et l'Etat colombien.

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Ingrid Betancourt, qui a à plusieurs reprises déclaré qu'elle pardonnait à ses ravisseurs, a suggéré que les anciens rebelles construisent "avec leurs propres mains" des maisons pour les Colombiens qui ont perdu leur foyer à cause des actions de l'ex-guérilla marxiste.

Mais elle a admis ne pas savoir comment réparer le mal infligé aux familles des ex-otages.

"Que peuvent-ils faire pour nous rendre le temps qu'ils nous ont confisqué? (...) Je n'ai pas de réponse. Je sais seulement que cela doit être des actions de longue durée, un effort et un engagement de leur part", a-t-elle ajouté.

Mme Betancourt a témoigné à la demande de la JEP dans la procédure pour les enlèvements ouverte à l'encontre des leaders de l'ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), désarmée et reconvertie en parti politique sous le même acronyme suite à l'accord de paix de 2016.

- La misogynie des Farc -

Les magistrats de la JEP ont commencé à entendre lundi des personnalités politiques et des militaires qui ont été otages des rebelles, afin de faire la lumière sur le degré de responsabilité des leaders Farc dans ces enlèvements.

Dans sa déposition, Ingrid Betancourt a en outre dénoncé la "misogynie" des ex-guérilleros. "Les commandants favorisaient les camarades qui avaient des comportements grossiers, vulgaires, irrespectueux envers les séquestrées (...) Cela ne se produisait pas avec les hommes", a-t-elle souligné.

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Elle a également rappelé que durant sa détention elle avait été "enchaînée", contrainte de dormir sur un nid de tiques et que ses geôliers lui refusaient des médicaments.

Mais l'ex-otage s'est dite confiante dans la capacité de "changer" des ex-guérilleros. "Nous devons parier sur le fait qu'il y a en nous un esprit qui nous permette d'être meilleurs. Ainsi comme je le crois pour moi, je le pense des Farc", a-t-elle dit.

L'ancienne candidate présidentielle avait été enlevée le 23 février 2002 par l'ex-guérilla dans le sud de la Colombie et libérée en 2008, en même temps que 14 autres otages, lors de l'"Opération Echec" des forces armées, qui avait eu une importante répercution médiatique.

Après sa libération, elle avait quitté la Colombie pour l'Europe, d'où elle a appuyé l'accord de paix signé par les Farc et l'ancien président Juan Manuel Santos.

Les leaders du parti Force alternative révolutionnaire commune (Farc) ont plusieurs fois demandé pardon pour les crimes perpétrés pendant leur rébellion armée lancée en 1964.

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Au moins 37.094 enlèvements ont été commis pendant le conflit, la plupart par les Farc et l'Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla de Colombie encore active, selon des chiffres officiels.

Les rebelles utilisaient les otages comme moyen de pression politique ou de financement.

L'accord de paix prévoit des peines alternatives à la prison pour les ex-guérilleros comme pour les militaires qui avouent leurs crimes, dédommagent les victimes et s'engagent à ne plus avoir recours à la violence.

Les chefs Farc et quelques militaires ont déjà comparu devant la JEP.

Au fil des décennies, le complexe conflit colombien a impliqué une trentaine de guérillas, des paramilitaires et l'armée, faisant au moins huit millions de victimes entre morts, disparus et déplacés.

Avec AFP