Ce texte, dont le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies a dit craindre qu'il n'alimente "la peur et la xénophobie", s'inscrit dans le cadre d'une énième réforme des conditions d'accueil des réfugiés, de plus en plus restrictives.
Mesure de justice sociale pour les uns, taxe sur la misère pour les autres, il donne le pouvoir aux policiers de "saisir des biens que les demandeurs d'asile apportent avec eux afin de couvrir leurs besoins en alimentation et en hébergement".
Ses défenseurs reconnaissent néanmoins que les saisies ne rempliront pas les caisses de l'Office danois des migrations chargé de prendre en charge les migrants. L'objectif est d'adresser un "signal" aux candidats à l'exil pour les dissuader de venir au Danemark au bout de leur long périple depuis la Syrie, l'Irak ou l'Afghanistan.
"Quand on prend leurs valeurs aux réfugiés, nous perdons les nôtres", s'est indigné sur Twitter le parti Alternative mercredi, qui a organisé une manifestation ayant rassemblé des centaines de personnes à Copenhague.
Présenté en décembre par la ministre de l'Immigration et de l'intégration Inger Støjberg, le projet de loi a été édulcoré à deux reprises pour apaiser les passions et rallier une majorité de parlementaires de droite et de gauche.
C'est chose faite depuis mardi et l'accord conclu par le gouvernement Venstre (libéraux), ses partenaires de droite -Parti populaire danois (DF), Alliance libérale et Parti populaire conservateur- et le principal parti d'opposition, les sociaux-démocrates.
S'il est adopté, il autorisera la police à fouiller les migrants et à confisquer les liquidités excédant 10.000 couronnes danoises (1.340 euros) ainsi que les objets dont la valeur dépasse 10.000 couronnes.
Les migrants pourront toutefois conserver les biens "de valeur affective particulière" comme les bijoux, médailles ou portraits de famille.
Interrogé à Bruxelles, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a indiqué: "Nous étudierons la loi une fois qu'elle sera adoptée (...) et nous informerons le gouvernement danois de notre position officielle".
Seuls trois partis de gauche y demeurent fermement opposés. Le texte devrait, sauf coup de théâtre, être voté le 26 janvier, en dépit de protestations qui se font entendre jusque dans les rangs de la majorité.
Mercredi, un groupe de dix élus locaux de Venstre, le parti du Premier ministre Lars Løkke Rasmussen, a accusé le gouvernement de mettre en péril l'image du pays comme terre d'accueil et de tolérance.
"Ce n'est pas juste un simple problème de politique et d'humanité, il en va aussi de la réputation du Danemark à l'étranger", écrivent-ils dans le quotidien Berlingske.
Le gouvernement ne devrait pas reculer pour autant, selon Bjarne Steensbeck, analyste politique à la télévision publique DR.
"Lars Løkke Rasmussen est élu par les Danois, pas par les médias internationaux", a-t-il ironisé, dans une référence implicite au Washington Post qui avait comparé le projet de confiscation à la spoliation des juifs par les nazis.
Pressé par des élus de gauche de justifier la position de son parti, le député social-démocrate Dan Jørgensen a défendu une solution de "compromis" dans "une situation difficile".
Sans grand enjeu désormais, les débats parlementaires devraient au moins permettre à Venstre de faire assaut de pédagogie. Le chef du gouvernement a évoqué mardi "le projet de loi le plus mal compris de l'histoire du Danemark".
Le Danemark, pays de 5,4 millions d'habitants, a enregistré 21.000 dossiers de demande d'asile en 2015, ce qui le classe parmi les États membres de l'Union Européenne ayant reçu le plus grand nombre de migrants par habitant, derrière la Finlande, l'Autriche, l'Allemagne et la Suède voisine qui en a comptabilisé 163.000.
Le gouvernement estime qu'il n'a pas les moyens de prendre en charge davantage de réfugiés. Il multiplie depuis les législatives de juin les annonces pour dissuader l'immigration.
Sous l'impulsion du Parti populaire danois, une formation de droite anti-immigration qui lui apporte une majorité au parlement, il avait notamment publié en septembre des encarts dans trois journaux arabophones au Liban détaillant les tours de vis récents, en cours ou à venir.
Copenhague a par ailleurs annoncé mercredi la prolongation pour trois semaines des contrôles aux frontières avec l'Allemagne, rétablis le 4 janvier en réponse aux mesures similaires instaurées par la Suède.
Avec Afp