Confusion au Soudan du Sud dans un hôpital de campagne après des combats

Un homme blessé transporté sur une civière à Juba, Soudan du Sud, 28 décembre 2013.

Thouk Reath, 19 ans, se rétablissait après s'être fait amputer une jambe blessée par balle dans des combats, dans le nord-est du Soudan du Sud, quand la clinique où il était soigné a dû être évacuée en raison d'échanges de tirs.

Les patients et le personnel médical du petit hôpital de Maiwut risquaient d'être pris sous le feu de l'offensive menée par l'armée gouvernementale en direction de la ville de Pagak, l'un des bastions de l'opposition situé non loin de là, à la frontière avec l'Ethiopie.

Les Nations unies avaient annoncé la semaine passée que 5.000 personnes vivant dans cette zone avaient dû traverser la frontière. Un porte-parole de la rébellion a confirmé à l'AFP que 25.000 autres ont fait de même au cours du week-end, fuyant les combats.

"On m'a tiré dessus et ma jambe a été amputée à l'hôpital de Maiwut où j'étais en convalescence jusqu'à ce qu'on nous dise d'évacuer", explique Thouk, allongé sur un drap bleu.

"Ca a été un voyage pénible. On nous a d'abord conduits à Pagak, puis emmenés en avion à Old Fangak (à quelque 300 km plus à l'ouest) et enfin fait traverser la rivière en bateau pour aller à l'hôpital", raconte-t-il.

Old Fangak est une petite ville faite de huttes en terre, étalée sur les deux rives du Nil Blanc. Le lieu est marécageux et sans accès aux routes principales. Le moyen le plus rapide d'emmener les patients dans l'hôpital de brousse est donc le bateau.

Thouk était à Maiwut, à environ 25 km de Pagak, après avoir été déplacé une première fois il y a plus d'un an, quand son village avait été attaqué. Il n'a plus vu ses parents et craint qu'ils soient morts.

- Traumatisée -

Avec l'arrivée de Thouk et d'environ 20 autres patients, l'hôpital d'Old Fangak s'est transformé. Une simple tente a laissé place à plusieurs chambres, avec des lits métalliques blancs et des couvertures chaudes, le tout couvert par une bâche étanche.

Infirmière en charge des lieux pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Robbie Gray se rappelle avoir été obligée "d'arrêter au milieu d'une opération chirurgicale" pour évacuer la clinique de Maiwut.

"Nous étions en pleine opération quand on a soudainement entendu des tirs en dehors de Maiwut. On nous a immédiatement dit d'évacuer", raconte-t-elle à l'AFP.

A Old Fangak, avec neuf autres docteurs et membres du personnel médical, elle continue à soigner les patients qui ont fui Maiwut, la plupart blessés par balle.

Dans un recoin de l'hôpital se repose une petite fille de cinq ans, Nyachan Makuach, touchée au bas-ventre. Emmitouflée dans des couvertures en laine, elle est à peine consciente. Ses yeux sont enflés et des gouttes de sueur perlent à son front délicat.

Selon le personnel de l'hôpital, elle est traumatisée après avoir vu son père tué devant elle. "Elle se rappelle tout", souligne la chef de l'équipe chirurgicale de la Croix-Rouge, Louise Humphreys.

Son oncle, qui l'a accompagnée à Old Fangak, perd des semaines précieuses de travail dans les champs. "Mais nous sommes heureux de recevoir un traitement ici", admet-il.

- 'Les combats continueront' -

Le Soudan du Sud a plongé en décembre 2013 dans une guerre civile amorcée par des combats entre des unités rivales de l'armée, minée par des antagonismes politico-ethniques alimentés par la rivalité entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar.

Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 3,7 millions de déplacés. Selon les derniers chiffres de l'ONU, près de la moitié des quelque six millions de Sud-soudanais auront besoin d'aide alimentaire ce mois-ci.

Avec les combats approchant de Pagak, le CICR a renforcé son personnel à Old Fangak, envoyant des médecins et infirmières par avion depuis la capitale Juba.

La perte de Pagak serait un énorme coup dur pour la rébellion déjà fortement affaiblie. Cette ville est son quartier général depuis le début de la guerre en 2013.

"Si l'armée avance (vers Pagak), les combats continueront", prévient l'un des porte-parole de la rébellion, Lam Paul Gabriel.

Le chef de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss), David Shearer, s'était dit la semaine passée "gravement préoccupé" par la situation et avait appelé les deux camps à respecter un cessez-le-feu.

Avec AFP