Les 2 000 derniers soldats du corps expéditionnaire envoyé par le Tchad début 2015 au Nigeria pour mener la guerre contre les islamistes de Boko Haram sont rentrés vendredi 11 décembre à N'Djamena, après avoir infligé de sérieux revers aux jihadistes, au prix de pertes élevées.
Un nombre encore indéterminé de militaires tchadiens restent sur le terrain mais cette fois sous le commandement de la force régionale créée par les Etats riverains du lac Tchad et le Bénin pour mener les opérations contre Boko Haram.
Cette force, sous commandement nigérian et dont l'état-major est à N'Djamena, doit compter à terme environ 9 000 hommes. Prévue en août, son entrée en fonction effective se fait encore attendre.
Les troupes tchadiennes avec armes et bagages ont été accueillies sur la place de la Nation à N'Djamena par le président Idriss Déby Itno, entouré de tous les corps constitués.
"Vous avez accompli avec abnégation et professionnalisme votre mission en contribuant à la restauration de la paix dans certaines localités de ces deux pays", a déclaré le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense nationale, Mbainando Totola, aux troupes qui revenaient du Nigeria et du Niger précisant que ce "retour se justifie par la prise en compte de votre zone par la force multinationale".
"La mission n'est pas terminée"
"La mission n'est pas terminée, nous devons rester vigilants, car l'ennemi se manifeste sous la forme la plus abjecte et la plus meurtrière en faisant des attentats-suicide", a-t-il averti.
Comme ses voisins, le Tchad est régulièrement la cible d'attaques menées par les islamistes. Samedi, 27 personnes ont été tuées par un triple-attentat suicide sur un marché de la région du lac Tchad où N'Djamena a instauré l'Etat d'urgence et devrait y renforcer sa présence militaire.
Et vendredi, c'est au Cameroun que Boko Haram a frappé avec un attentat suicide qui a tué sept civils à Kolofata, dans l'Extrême-Nord, à une vingtaine de km de la frontière nigériane.
Face à l'expansion continue des islamistes dans leurs bastions du nord-est du Nigeria et à la passivité du régime nigérian d'alors, le président Déby avait mobilisé début 2015 environ 5 000 hommes de ses meilleures troupes pour déclencher une offensive terrestre très violente, depuis le Cameroun.
Lors de ces offensives terrestres, l'armée tchadienne - la plus aguerrie des armées de la région - a infligé des pertes sévères aux islamistes, notamment en les chassant de plusieurs villes sous leur contrôle au Nigeria, comme Gamboru, Malam Fatori ou Dikwa.
Pour l'armée tchadienne, le bilan est également lourd. Selon des sources militaires tchadiennes, 113 soldats ont été tués et 660 blessés dans les opérations au Niger, Nigeria et au Cameroun.
Elections
Le retour des troupes intervient également au moment où le Tchad va entrer en période électorale, moment historiquement propice dans ce pays à l'émergence de foyers de rébellion.
L'élection présidentielle, à laquelle M. Déby - au pouvoir depuis 1990 - sera plus que vraisemblablement candidat et grandissisme favori, est prévue en mars 2016.
En outre l'armée tchadienne est extrêmement sollicitée dans le combat contre les jihadistes au Sahel, au Mali notamment, d'abord aux côtés des Français lors du déclenchement de l'opération Serval début 2013, puis au sein de la force de l'ONU (Minusma).
Le Tchad participe également à l'opération Barkhane, sous conduite française, de lutte contre les groupes jihadistes au Sahel. L'état-major de cette opération est installé à N'Djamena.
Menace de l'EI en Libye
Et depuis des mois, le président tchadien - comme plusieurs de ses pairs africains, dont son voisin nigérien Mahamadou Issoufou - observe avec inquiétude la situation se détériorer à sa frontière nord, en Libye, avec l'implantation de l'Etat islamique, auquel Boko Haram s'est affilié en début d'année.
M. Déby réclame régulièrement un engagement international en Libye pour régler le chaos régnant dans le pays. Les propos du Premier ministre français, Manuel Valls, lui ont fait écho ce vendredi.
"Nous sommes en guerre, nous avons un ennemi, Daech (acronyme de l'EI en arabe), que nous devons combattre et écraser, en Syrie, en Irak et demain sans doute en Libye", a déclaré le chef du gouvernement français à la radio France Inter.
Avec AFP