Crise des musulmans rohingyas: la situation côté birman

Des réfugiés rohingyas au Bangladesh (Archives)

Près de 400.000 musulmans rohingyas ont fui la Birmanie vers le Bangladesh. Trois semaines après les attaques de la rébellion rohingya contre les forces de l'ordre birmanes, étincelle ayant mis le feu aux poudres, quelle est la situation côté birman ?

- Qui vit dans cette région de l'ouest de la Birmanie ?

Selon le recensement de 2015 en Birmanie, plus de trois millions de personnes vivaient en Etat Rakhine, région frontalière du Bangladesh.

Sur ces trois millions, un million n'avait alors "pas pu être recensé", souligne le rapport du recensement, au motif qu'ils faisaient "partie d'une communauté" non reconnue par le gouvernement.

Il s'agissait donc des Rohingyas, appelés "Bangladais" en Birmanie et considérés comme des immigrés illégaux du Bangladesh et privés de droits.

Ils étaient jusqu'ici majoritaires dans les districts nord de la région, les plus proches de la frontière avec le Bangladesh, épicentre des troubles actuels.

Ainsi, selon le gouvernement birman, dans le seul district de Maungdaw, les musulmans étaient plus de 750.000, contre moins de 80.000 pour les "autres ethnies", bouddhistes notamment.

Par ailleurs, quelque 120.000 Rohingyas vivent dans des camps de déplacés plus au sud, près de Sittwe, la grande ville de la région.

Aujourd'hui, avec près de 400.000 Rohingyas partis au Bangladesh depuis le 25 août, selon les estimations a minima de l'ONU, c'est près de la moitié du million de Rohingyas de Birmanie qui aurait quitté le territoire.

Cette dernière vague d'exil, la plus impressionnante dans l'histoire de cette crise, s'ajoute à de précédentes vagues de migrations.

- Quelles sont les destructions?

Aujourd'hui, près de 40% des villages rohingyas du nord de l'Etat Rakhine sont abandonnés, selon Zaw Htay, le porte-parole du gouvernement.

"Il y a 176 villages (sur un ensemble de 471 villages rohingyas) d'où l'ensemble de la population est partie", estimait-il mercredi soir.

Des milliers de Rohingyas pourraient se trouver coincés côté birman, selon l'ONU. Une information très difficile à vérifier, la zone de conflit étant bouclée par l'armée birmane.

Sur la base d'images satellites, Amnesty assure avoir pu identifier 80 incendies d'ampleur dans la région depuis le 25 août.

L'ONG dénonce une "campagne planifiée" visant les villages rohingyas du nord. Certains incendies se voyaient encore jeudi depuis le Bangladesh, où la presse peut accéder librement, contrairement à la Birmanie.

Une journaliste de l'AFP ayant pu accéder à la région de Maungdaw, lors d'un voyage organisé par les autorités birmanes, a vu ces villages fantômes réduits en cendres.

- Un retour est-il possible ?

Le gouvernement birman met en garde depuis le début de la crise ceux qui quittent le pays.

"Certains sont passés de l'autre côté de la frontière. S'ils veulent revenir, nous ne pourrons pas tous les accepter", a affirmé le porte-parole du gouvernement, précisant que les candidats au retour seraient "passés à la loupe".

Pour beaucoup de réfugiés interrogés par l'AFP, souvent de petits paysans, le retour semble de toute façon bien compromis car outre la haine entre les communautés, ils ont souvent tout perdu.

L'armée birmane est accusée d'avoir incendié les villages rohingyas, en représailles des attaques rebelles, pour se débarrasser de cette encombrante minorité, considérée en Birmanie comme une menace pour l'identité bouddhiste du pays.

Les autres communautés vivant en Etat Rakhine, Hindous et Bouddhistes, ont aussi fui leurs villages, vers d'autres régions de Birmanie. Ils sont 30.000 dans ce cas, mais ils commencent à regagner leurs villages, assurent les autorités.

Avec AFP