Les pays de l'UE étaient réunis jeudi à Bruxelles dans l'espoir de mettre fin à un engrenage de décisions isolées face à l'afflux de migrants, notamment sur la route des Balkans menacée d'une "crise humanitaire".
"Les initiatives isolées ne mènent nulle part", a lancé le commissaire européen en charge du dossier, Dimitris Avramopoulos, à son arrivée à la réunion des ministres de l'Intérieur des 28. "L'unité de l'Union et des vies humaines sont en jeu", a insisté M. Avramopoulos.
Une réunion critiquée, en comité plus restreint et sans la Grèce, avait eu lieu la veille, à l'initiative de l'Autriche, avec des pays des Balkans. Deux des participants, la Serbie et la Macédoine, non membres de l'UE, ont également été conviés jeudi à Bruxelles.
Comme l'Autriche ou la Slovénie (membres de l'UE et de l'espace Schengen), ils ont été invités à expliquer le filtrage décrié des migrants qu'ils appliquent désormais à leurs frontières et qui a provoqué un engorgement en Grèce.
"Il est bon aujourd'hui que tout le monde soit autour de la table", a souligné le ministre néerlandais de l'Immigration, Klaas Dijkhoff, dont le pays assure la présidence tournante du conseil de l'UE.
L'enjeu d'une réponse collective est d'autant plus fort que la menace d'une "crise humanitaire" plane désormais sur certains pays, en particulier la Grèce, insistent la présidence comme la Commission.
Dialoguer avec la Turquie
Les 28, qui continuent de voir dans la Turquie l'une des principales clés de la crise en cours, devaient accueillir aussi à la mi-journée le vice-ministre de l'Intérieur turc, Sebahattin Öztürk.
L'objectif est de faire le point sur les efforts d'Ankara pour freiner les flux de migrants vers l'UE, avant un nouveau sommet qui sera consacré à la question le 7 mars à Bruxelles.
"C'est une priorité", a martelé le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière.
Malgré les engagements de la Turquie, ces flux restent "beaucoup trop élevés", ne cessent de répéter les dirigeants européens. Depuis début janvier, plus de 102.000 migrants ont ainsi gagné la Grèce par la Méditerranée, selon l'Organisation internationale pour les migrants (OIM).
La Grèce est d'autant plus débordée que le plan de répartition des demandeurs d'asile arrivés sur son sol vers d'autres pays de l'UE peine toujours à démarrer. Moins de 600 réfugiés ont été répartis depuis l'Italie et la Grèce ces derniers mois, sur les 160.000 qui doivent l'être en deux ans.
Dans ce contexte, la décision de la Macédoine de refuser le passage aux Afghans à sa frontière avec la Grèce, et d'exiger des Syriens et Irakiens des papiers d'identité, a alourdi la tâche des Grecs.
"La Grèce n'acceptera pas de devenir le Liban de l'Europe", a averti le ministre grec Yannis Mouzalas. Les réfugiés syriens représentent désormais le quart de la population libanaise de quatre millions d'habitants.
La Grèce en accusation
La Commission devrait une nouvelle fois appeler les Etats membres à prendre des mesures concertées, et à mettre fin à la politique du "laisser passer" des migrants.
L'Autriche, qui a instauré un quota journalier de 3.200 migrants en transit à laisser passer sur son territoire, est la cible des critiques de Bruxelles.
Selon la Commission, les pays européens doivent refuser l'entrée aux migrants économiques. En revanche, tous les demandeurs d'asile se présentant à la frontière d'un pays doivent pouvoir accéder aux procédures d'asile.
L'Autriche s'est défendue en expliquant avoir voulu, avec d'autres pays des Balkans, envoyer "un signal clair" sur sa volonté de "réduire le flux de migrants" se dirigeant vers le nord depuis la Grèce.
Si la Grèce n'est pas capable de protéger la frontière extérieure de l'UE, "peut-elle encore être une frontière extérieure de l'espace Schengen"?, a lancé la ministre autrichienne Johanna Mikl-Leitner, évoquant à nouveau une exclusion de la Grèce de l'espace européen de libre-circulation, pourtant juridiquement impossible.
La nécessité d'une meilleure coordination entre pays européens est loin de ne concerner que la route des Balkans.
Le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve a ainsi qualifié jeudi d'"étrange" la décision de la Belgique de rétablir des contrôles à sa frontière avec la France, de crainte d'un éventuel afflux de migrants en provenance de la "jungle" de Calais (nord de la France).
M. Cazeneuve a notamment regretté que Paris n'ait pas été prévenu à l'avance.
AFP