Dakar sous la protection des blindés de l'armée à l'heure de la contestation

Des partisans du chef de l'opposition Ousmane Sonko, arrêté suite à des accusations d'agression sexuelle, manifestent à Dakar, au Sénégal, le 5 mars 2021.

Des blindés de l'armée ont pris position dans Dakar lundi en prévision d'une journée de contestation à hauts risques au Sénégal, en proie aux troubles.

Le gouvernement a déployé un fort dispositif sécuritaire dans la capitale, en prévision de manifestations annoncées et de la présentation à un juge du principal opposant au pouvoir, Ousmane Sonko.

L'arrestation de M. Sonko, le 3 mars, a provoqué la semaine passée trois jours de heurts entre jeunes et forces de l'ordre, de pillages et de saccages dans ce pays de 16 millions d'habitants considéré d'ordinaire comme un îlot de stabilité politique.

Au moins cinq personnes ont trouvé la mort, la presse avançant des chiffres plus élevés mais difficilement vérifiables.

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M. Sonko se trouvait déjà au palais de justice lundi à 5h30 (locales et GMT), dans l'attente de sa présentation au juge prévue à 11h00, a déclaré à la radio l'un de ses avocats, Me Cheikh Khouraissy Ba.

Des dizaines de sympathisants chantant et dansant ont scandé "libérez Sonko" en agitant le drapeau national, vert, or et rouge, à quelque distance du tribunal, sous l'oeil vigilant d'un cordon de policiers.

Les abords du bâtiment ont été bouclés et des véhicules blindés alignés à proximité, a constaté un journaliste de l'AFP.

Huit blindés de l'armée ont été positionnés sur la place de l'Indépendance, centre du quartier névralgique du Plateau, siège des grandes institutions, dont la présidence. Cette dernière était elle-même placée sous haute protection et ses accès barrés. D'autres blindés encore stationnaient auprès du port et à l'entrée d'un quartier populaire théâtre d'affrontements la semaine passée.

Le président attendu

La présentation de M. Sonko s'annonce lourde d'enjeux autres que judiciaires, selon que le juge décidera de l'écrouer ou de le relâcher. L'incertitude est totale quant à la décision, mais la pression est considérable, à la fois sur le magistrat et sur le président Macky Sall, au sortir d'un week-end qui a vu une précaire accalmie.

M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, a été arrêté officiellement pour trouble à l'ordre public, alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol portées contre lui par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.

Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président lui-même pour l'écarter de la prochaine présidentielle.

M. Sall a démenti les incriminations de M. Sonko fin février. Confronté à des choix délicats entre indépendance proclamée de la justice, pression de la rue, et conséquences politiques du sort de M. Sonko, il a depuis gardé le silence en public sur l'affaire.

La garde à vue de M. Sonko a été levée dimanche dans le dossier de trouble à l'ordre public, a indiqué à l'AFP un de ses conseils, Me Étienne Ndione. Mais il est resté entre les mains des autorités en vertu du mandat d'amener délivré contre lui dans l'affaire de viols présumés.

Le collectif Mouvement de défense de la démocratie (M2D), comprenant le parti de l'opposant, des formations d'opposition et des organisations contestataires de la société civile, a appelé "à descendre massivement dans les rues" à partir de lundi et pendant trois jours.

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Affrontements au Sénégal alors que le chef de l'opposition est détenu

Intervention des chefs religieux

La tension fait craindre une nouvelle escalade et l'activité était considérablement ralentie à l'aube dans la capitale visiblement inquiète. Les autorités ont suspendu l'école pendant une semaine.

L'arrestation de M. Sonko a non seulement provoqué la colère de ses partisans. Elle a aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l'exaspération accumulée par la dégradation, au moins depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, des conditions de vie dans un pays déjà pauvre.

Les différentes parties, à commencer par le président, sont pressées de toutes parts de trouver les voies de la désescalade.

Les ambassades de l'Union européenne et de ses Etats membres, mais aussi des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de la Suisse, du Japon et de la Corée du Sud ont appelé à "une restauration pacifique du calme et du dialogue". Les Etats d'Afrique de l'Ouest ont exhorté "au calme et à la retenue".

Plus que ces incitations internationales, ce sont celles des chefs religieux, chrétiens et surtout musulmans, qui risquent de peser. Leurs émissaires, en particulier ceux des khalifes à l'influence considérable sur le pouvoir et la société, ont rencontré le chef de l'Etat, a rapporté dimanche en leur nom le dignitaire Serigne Mansour Sy. M. Sall "nous a écoutés et nous attendons ses décisions", a-t-il dit.