La "zone commune de sécurité" (JSA) est le seul secteur de la DMZ où on peut voir des gardes sud-coréens portant des lunettes aviateur fixer sans bouger des soldats nord-coréens, à seulement quelques mètres.
Panmunjom, le "village de la trêve", est une destination prisée des touristes, au Nord comme au Sud, et nombre de présidents américains s'y sont fait photographier afin de prouver leur engagement sans faille envers Séoul.
Vendredi, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un franchira la démarcation pour aller rencontrer le président sud-coréen Moon Jae-in côté sud-coréen de la DMZ, pour ce troisième sommet intercoréen depuis la Guerre de 1950-1953.
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Celle-ci s'étant arrêtée sur un armistice, et non sur un accord de paix, Séoul et Pyongyang restent techniquement en état de guerre. Le garde américain escortant les touristes lors d'une visite guidée de Panmunjom ne manque pas de rappeler que les militaires sud-coréens "font chaque jour face à l'ennemi".
Pas plus qu'il ne fait l'impasse sur les événements du 18 août 1976. Deux militaires américains furent alors "brutalement tués à coup de hache" par des gardes nord-coréens alors qu'ils tentaient d'élaguer un arbre dont le feuillage obstruait le champ de vision des forces des Nations unies dirigées par les Etats-Unis.
Cynisme
L'incident entraîna trois jours plus tard "l'Opération Paul Bunyan", décrite comme le chantier d'abattage le plus onéreux de l'histoire.
Au total, 813 militaires, 23 véhicules, 27 hélicoptères et des bombardiers B-52 Stratofortress escortés par des chasseurs furent déployés pour terrasser l'arbre de la discorde, tandis qu'un groupe aéronaval américain patrouillait au large.
Un jeune conscrit, Moon Jae-in, avait été placé en standby, prêt à intervenir en cas de riposte du Nord.
"C'est à ce moment là que mes opinions sur notre pays et sa sécurité comme mon patriotisme se sont enracinés", raconta-t-il en 2017 pendant la campagne présidentielle, promettant de "rétablir des relations pacifiques avec la Corée du Nord."
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Le sommet intercoréen est le premier à se tenir au Sud. Ceux de 2000 et 2007 avaient eu lieu à Pyongyang.
Cette rencontre aura pour cadre la Maison de la paix, un bâtiment de verre et de béton dont le nom, à l'instar de la Maison de la liberté voisine, est perçu au Nord comme une marque de cynisme.
"Comme s'ils avaient obtenu la liberté et la paix", dénonce le lieutenant Kim de l'Armée populaire de Corée (APC), l'armée du Nord, qui rend les Etats-Unis responsables de la partition.
"L'Amérique, qui est un obstacle à la paix, révèle avec ces noms son vrai visage", dit-il à l'AFP.
Le sommet préfigure une autre rencontre inédite, prévue dans les prochaines semaines entre M. Kim et le président américain Donald Trump.
Mais pour parvenir à un accord, Nord et Sud devront dépasser des décennies d'animosité et de méfiance.
Le Nord affirme être sorti victorieux du conflit qu'il appelle la "Grande guerre pour la libération de la patrie".
Frisson garanti
Côté Nord de la DMZ, une plaque commémore une visite de 2012 de Kim Jong Un qui "nous a donné une leçon précieuse sur le fait qu'il s'agit d'un lieu historique où les envahisseurs américains se sont agenouillés en signe de reddition".
"Les générations futures vivront dans une mère-patrie réunifiée", aurait encore affirmé le leader nord-coréen.
A l'intérieur d'un des baraquements bleus qui enjambent la démarcation, le garde américain animant la visite met en garde les touristes: "Ne passez pas derrière ce soldat car cette porte donne directement sur la Corée du Nord". Frisson garanti.
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Ceux des touristes qui se tiennent au bout de la pièce se trouvent effectivement en "Corée du Nord communiste", ajoute-t-il, avant que ne crépitent les appareils photos de ceux qui souhaitent immortaliser leur -bref- passage au Nord.
La frontière ne peut se franchir que dans le bâtiment, dont l'espace est occupé par une grande table de réunion vieillie.
Mais à l'extérieur, franchir la ligne de démarcation en béton qui divise la DMZ serait une provocation grave.
Au-delà des gentilles frayeurs des touristes, la DMZ est encore épisodiquement le théâtre de drames, comme cette fuite éperdue d'un militaire nord-coréen passé au Sud en novembre sous une pluie de balles.
Et au Nord, les haches de l'incident de 1976 sont encore fièrement exposées.
Avec AFP