De nouvelles condamnations font craindre un enlisement dans le Rif

Nasser Zefzafi, leader de la contestation populaire dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, harangue la foule à Al-Hoceima, Maroc, 18 mai 2017.

Des commentateurs marocains craignaient jeudi un enlisement de la crise à Al-Hoceïma, épicentre d'un mouvement de contestation dans le Rif (nord), après des peines allant jusqu'à 20 ans de prison ferme prononcées contre des activistes.

Le tribunal de première instance d'Al-Hoceïma a prononcé mardi des peines allant d'un an à 20 ans de prison ferme contre neuf activistes du "Hirak", nom donné localement à ce mouvement populaire né en octobre dernier, et a reporté le procès de 23 autres militants.

Certains ont été jugés coupables d'avoir incendié fin mars un bâtiment de la police dans la localité voisine d'Imzouren, autre haut-lieu de la contestation dans le Rif.

Interrogé par l'AFP, Abdessadek El Bouchtaoui, avocat et membre du Comité de défense des détenus d'Al-Hoceïma, a dénoncé des "peines sévères", "signe d'un procès inéquitable".

Il a aussi fait état d'un "sentiment de colère" chez les habitants de cette région enclavée et historiquement frondeuse du nord du royaume.

La presse locale s'est étonnée jeudi du verdict, en particulier de la peine la plus sévère prononcée contre un activiste de 18 ans.

Il a été condamné pour son implication présumée dans l'attaque et l'incendie volontaire d'une résidence policière à Imzouren, qui avait nécessité l'évacuation par les toits de dizaines de policiers coincés par les flammes. L'incident avait frôlé le drame, selon les autorités.

"Le dossier du Hirak du Rif se complique davantage", estimait jeudi le quotidien Al Massae, alors que Al Ahdath Al Maghribia faisait état d'un "bouillonnement" à Al-Hoceïma.

"La crise dans le Rif se poursuit, 360 jeunes ont été arrêtés et sont menacés de condamnation à de lourdes peines", écrivait jeudi le quotidien Akhbar Al Yaoum dans un éditorial.

"Depuis des siècles, la justice pénale est aux mains du pouvoir central, elle l'est toujours", a accusé sur Facebook le politologue et historien Mohamed Ennaji.

Le quotidien Assabah a pointé du doigt "la violence de certains manifestants", faisant état de "298 policiers blessés" depuis le début de la contestation.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont exprimé leur indignation, faisant le parallèle avec les condamnations souvent "clémentes" prononcés par la justice marocaine à l'encontre des "pédophiles et des violeurs".

Les familles des détenus ont annoncé qu'elles ne fêteraient pas l'Aïd al-Adha, fête musulmane célébrée vendredi au Maroc, pour protester contre l'incarcération de leurs proches.

Interrogé jeudi par l'AFP, le porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi a déclaré que "le gouvernement marocain a accéléré depuis un moment le programme de développement dédié à Al-Hoceïma", ajoutant qu'il allait "annoncer dans le détail l'état d'avancement des travaux et le taux de réalisation à tous les niveaux". Il a toutefois refusé de commenter les dernières condamnations.

Après un mois de relatif apaisement, la situation s'était de nouveau tendue début août à Al-Hoceïma où les appels à manifester se sont multipliés après la mort d'un manifestant.

La contestation a démarré en octobre dernier à Al-Hoceïma et les localités voisines pour demander le développement économique de cette région.

Avec AFP