Officiellement, "ce n'est pas une campagne" électorale, explique le sénateur Tito Rutaremara, venu "expliquer" à la population rwandaise le contenu d'une révision constitutionnelle soumise à référendum vendredi et qui doit notamment permettre au président Paul Kagame de briguer un nouveau mandat.
"La population nous a demandé de réviser la Constitution", explique le parlementaire, ponte du Font patriotique rwandais (FPR), le tout-puissant parti du président Kagame, "nous sommes donc venus leur rendre compte et leur expliquer" les changements apportés.
Une des principales dispositions de la nouvelle Constitution adoptée le 17 novembre par le Parlement autorise l'actuel président rwandais à se représenter en 2017 - ce que le texte actuel lui interdit -, mais aussi à potentiellement diriger ensuite le pays jusqu'en 2034.
Une réforme présentée comme une initiative populaire par les autorités qui mettent en avant les 3,7 millions de signatures recueillies par des pétitions réclamant un maintien au pouvoir de Paul Kagame.
Elu à plus de 90% des voix en 2003 puis en 2010, M. Kagame est de fait l'homme fort du pays depuis juillet 1994, quand sa rébellion du FPR a chassé de Kigali les extrémistes hutu et mis fin au génocide qu'ils avaient déclenché trois mois auparavant et qui a fait quelque 800.000 morts, essentiellement membres de la minorité tutsi.
"Bien sûr, lorsque nous leur avons expliqué le contenu de la réforme, ils étaient contents, donc c'est devenu une campagne", reconnaît le sénateur Rutamera, venu avec un de ses collègues sur un terrain de basket de Kigali.
La population rassemblée ne semble pas avoir besoin d'être convaincue de voter "oui" vendredi. "Paul Kagame, Oyé!" ("Hourra!)", lance un orateur, "Oyé! Oyé! Oyé!", approuvent, poing brandi, les 300 personnes assises sur des chaises en plastique ou dans l'herbe. Tour à tour, des habitants s'emparent du micro pour chanter les louanges du chef de l'Etat.
'Certains ont des vaches'
"Paul Kagame a fait tellement de choses pour nous", résume à l'AFP Jean-Baptiste, un soudeur, créditant le président rwandais du spectaculaire redressement économique du pays, en ruines au sortir du génocide. Et "avant, la population était divisée, tout ceci a changé", ajoute-t-il.
"Il a opéré des miracles", renchérit Jean Bosco Masumboko, un chauffeur de poids-lourd.
Depuis l'annonce, il y a une semaine, de la date du référendum, députés et sénateurs arpentent le pays.
A Musha, localité rurale à une trentaine de km à l'est de Kigali, "les parlementaires sont venus nous demander de voter ‘oui’", explique Thérèse Nyirahabimana, 44 ans une agricultrice. "C'est normal car le président a fait beaucoup : il nous a amené la paix et, grâce à lui, certains au village ont des vaches", détaille-t-elle, certaine que "toute la population" de Musha votera "oui" au référendum.
A part ces réunions, rien n'indique que les Rwandais votent vendredi pour une révision applaudie par la quasi-totalité des partis enregistrés au Rwanda. Aucun panneau, aucune affiche.
Seule formation politique homologuée à s'opposer à la révision, le petit Parti démocratique vert a renoncé à faire campagne pour le "Non", estimant trop court le délai de 10 jours entre l'annonce du référendum et le vote. "C'est parce qu'ils savent qu'ils vont perdre", raille M. Rutaremara.
Le Rwanda est souvent pointé du doigt pour son manque d'ouverture politique et régulièrement épinglé pour ses atteintes à la liberté d'expression. Nombre d'observateurs doutent donc de la spontanéité de l'engouement populaire pour cette réforme, accusant le FPR, présent à tous les échelons de la société, d'être en réalité à la manœuvre pour permettre un maintien de Paul Kagame au pouvoir.
Le président rwandais a lui balayé les accusations "de manœuvres" et les appels de plus en plus fermes de ses partenaires occidentaux - Etats-Unis en tête - à quitter le pouvoir à la fin de son mandat, répétant que sa décision de se représenter ou non en 2017 dépendrait du seul résultat du référendum.
Quant aux rares Rwandais qui avouent s'opposer à la réforme, ils préfèrent garder l'anonymat, comme cet habitant de Kigali qui affirme qu'il va "voter non" vendredi. "Certes, Kagame a bien travaillé pour le pays, mais d'autres peuvent faire la même chose", estime-t-il.
Avec AFP