Cette couveuse a été mise au point il y a trois ans.
Lucie Ahanda observe sur un téléphone portable chaque mouvement de son nourrisson, né prématuré et placé dans une couveuse interactive dans un hôpital de Yaoundé. "A la naissance, mon bébé ne faisait que 1,5 kilo, s'il n'y avait pas eu cette couveuse, il serait déjà mort", témoigne-t-elle.
Mouvements, températures, battements du cœur, tous les signes vitaux des prématurés sont accessibles en permanence aux personnels de santé et aux parents. "Nous avons tenu à ce qu'elle soit contrôlée à partir d'un portable", témoigne auprès de l'AFP Serge Armel Njidjou, un des inventeurs de cette couveuse, qui a déjà remporté de nombreux prix.
Mme Ahanda ne quitte pas des yeux sur le petit écran son nourrisson, très frêle, nourri grâce à une sonde dans son nez. Dans une autre pièce, le docteur Anicet Pangop, médecin chef de l'hôpital African Genesis Health à Yaoundé, surveille le même bébé sur un téléphone.
"Cette couveuse est connectée à une caméra qui nous permet d'avoir un œil sur l'enfant depuis notre bureau. S'il y a un souci, on peut facilement interpeller un infirmier pour qu'il intervienne rapidement", assure-t-il. "Le bébé dort en ce moment et il vient de manger", constate-t-il.
Au service de néonatologie, Voni Simo, qui a donné naissance à des jumeaux prématurés, les observe à travers une baie vitrée. "Je ne peux pas les porter et cela me manque beaucoup. Je viens tous les jours les voir. Mais je sais qu'ils sont en sécurité, on prend bien soin d'eux", affirme-t-elle, alors que ses deux bébés poussent des cris.
L'Agence universitaire pour l'innovation (AUI), à l'origine de cette invention, a déjà vendu 18 couveuses à des hôpitaux publics et privés du pays, selon M. Njidjou, pour un prix d'environ 2 millions de francs CFA (environ 3.000 euros). "Nous avons un projet avec le ministère de la santé pour doter les hôpitaux de 1.000 couveuses dans les quatre prochaines années", rapporte-t-il.
Autre avantage de cette couveuse: la batterie peut être rechargée, outre le courant du secteur, grâce à des panneaux solaires, pour faire face aux coupures d'électricité, fréquentes dans le pays.
- "Débordés" -
L'entreprise propose également des facilités de paiements pour les centres de soin, en échelonnant les traites.
Le petit hôpital La Patience, situé en périphérie de Bafoussam, dans l'ouest du pays, a ainsi pu se doter d'une couveuse interactive. L'établissement accueille des personnes aux revenus modestes. Depuis l'acquisition de la couveuse "Made in Cameroun", "nous n'avons plus eu de décès néonatal", assure Odette Diffouo, la responsable du centre.
Mais des progrès restent encore à faire. "Si en un mois, nous enregistrons 10 décès de nourrissons, 6 sont des prématurés, c'est beaucoup", regrette Ernestine Bakou, infirmière à l'hôpital régional de Bafoussam.
D'après elle, ce taux de mortalité chez les prématurés est dû notamment aux mauvaises conditions de transfert des nourrissons, qui ne sont pas toujours bien enveloppés pour rester au chaud. Mme Bakou assure que son établissement accueille chaque mois environ 100 prématurés. "Nous sommes parfois débordés", se lamente-t-elle.
Certains établissements publics, qui disposent d'un nombre insuffisant de couveuses, expérimentent des alternatives.
Lire aussi : Docteur Bwelle, le médecin qui donne le sourire aux CamerounaisL'hôpital régional de Bafoussam essaye depuis plusieurs années la méthode dite "Kangourou". Cette pratique, développée par des pédiatres de Colombie à la fin des années 1970, consiste à mettre le bébé peau contre peau avec sa maman, plus rarement son papa, afin de créer des conditions idéales de température.
"Le gain de poids est rapide avec ce moyen, l'enfant se sent plus en sécurité, le lien affectif est établi. C'est plus efficace chez le prématuré", affirme Adèle Kuitchopota, une infirmière de cet hôpital.
Bébé Tané, qui faisait seulement 1,450 kg à la naissance début septembre, a vu son poids augmenter de 350 grammes en quelques jours grâce à sa maman, Falone Kuitche, qui porte contre elle son nourrisson "pendant parfois 18 heures par jour".
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