Egypte: les violences sectaires inquiètent les Coptes

Les groupes en faveur des droits humains exigent des enquêtes sur les violences sectaires

La dernière flambée de violence sectaire en Egypte suscite des craintes quant au sort de quelque huit millions de chrétiens dans ce pays, désormais dirigé par les Islamistes.

Il y a seulement quelques mois, les Coptes accueillaient leur nouveau pape au sein de la cathédrale St-Marc du Caire.

Aujourd’hui, les rues devant la principale église chrétienne d’Egypte sont jonchées de débris, suite aux affrontements sanglants de dimanche entre des fidèles et une foule de musulmans en colère.

Ces derniers développements ont amené certains chrétiens à se poser des questions sur ce qui se passe dans leur pays depuis l’avènement du régime islamiste dirigé par le président Mohamed Morsi.

Un Copte du nom de Wadia, rencontré par le correspondant de la Voix de l’Amérique (VOA) près de la cathédrale, a fait valoir que ce genre de choses n’était jamais arrivé avant la révolution en Egypte, et que le pays n’avait jamais atteint ce stade de violence. « Cela portera préjudice non seulement aux coptes et aux musulmans, mais à la nation toute entière », a-t-il averti.

Pour les analystes, il y a érosion d’une certaine tradition de tolérance, parallèlement à l’insécurité grandissante, à la détérioration de l’économie et à la montée de l’Islam conservateur.

Le journaliste Youssef Sidhom de l’hebdomadaire Watani, évoque les craintes des coptes. « Cette situation inquiète beaucoup non seulement les chrétiens d’Egypte, mais aussi un grand nombre de musulmans de ce pays, que je qualifie de modérés » déclare M. Sidhom.

Les coptes redoutent d'être forcés de quitter leur pays, face à la montée des violences sectaires


L’analyste politique Hisham Kassem estime, de son côté, que beaucoup d’Egyptiens commencent à prendre position contre la situation actuelle. « Il y a une frustration croissante face à l’extrémisme » dit-il. « Les gens commencent à se rendre compte à quel point il est inutile, c’est-à-dire à quel point l’extrémisme n’améliore point, d’une façon ou d’une autre, leur existence. Mais, maintenant, il n’y a qu’une solution dans le court terme : l’application de la loi », souligne le politologue égyptien.

Nombreux sont ceux qui estiment que le gouvernement a fait preuve de carence dans ce domaine. Le pape des Coptes, Tawadros, a accusé le président Morsi de faire trop de promesses sans suite. Sa gestion des événements « relève de la négligence et d'une mauvaise évaluation » de la situation, a-t-l estimé.

« Il s'agit, a poursuivi le pape Tawadros, d'une attaque flagrante contre un symbole national, l'Eglise d'Egypte ». Des violences d'une gravité « sans précédent en 2000 ans d'histoire » de la chrétienté dans le pays.

« L'Etat doit prendre clairement position » car les tensions « dépassent les limites de la liberté d'expression et ont atteint un niveau de chaos », a affirmé le pape Tawadros.

Selon le journaliste Sidhom, la crainte que le gouvernement ne puisse pas ou ne fasse rien pour protéger les chrétiens a amené certains à envisager de prendre unilatéralement des mesures drastiques.

« Bien sûr qu’il y a ceux qui expriment leurs préoccupations et soucis pour demain, et ils ne cachent pas leur désir de quitter l’Egypte s’ils le peuvent » déclare M. Sidhom.

Pour Hisham Kassem, de telles pensées rappellent la fuite d’une autre minorité religieuse dans les années 1950 et 1960.

« Il y a actuellement dans les cinémas du Caire un film intitulé '‘Au sujet des juifs d’Egypte'’, et il porte sur les juifs qui ont été forcés de partir. La crainte des gens maintenant est qu’ils ne veulent pas voir le jour où il y aura un autre film intitulé cette fois-ci '‘Au sujet des chrétiens d’Egypte'' » explique M. Kassem.

Néanmoins certains observateurs restent optimistes. On ne risque pas d’en arriver là, étant donné que les chrétiens représentent 8 millions de personnes. Dès lors, le seul choix pour le gouvernement égyptien, c’est de s’attaquer au problème pour lui trouver une solution durable, font-ils valoir. ________________________________________