En Egypte, des "squatteurs" chassés de chez eux par l'Etat

Une Égyptienne fait sa toilette sur l'île de al-Warraq, au sud du Caire, Egypte, le 17 juillet 2017.

Sur une île égyptienne, Hala Gamal ne peut détacher son regard d'une montagne de gravats: sa maison a été détruite par la police dans une opération pour chasser des habitants accusés de "squatter" des propriétés de l'Etat.

Le 16 juillet, cette mère de famille de 31 ans avait quitté sa maison située sur l'île de Warraq, au nord de la capitale, pour acheter le petit-déjeuner. A son retour, sa maison était détruite et ses enfants à la rue.

A la faveur d'une campagne lancée par le gouvernement pour récupérer des terrains et propriétés de l'Etat, la police a mené ce jour-là une opération sur l'île, détruisant plusieurs logements et déclenchant des affrontements qui ont coûté la vie à un habitant.

Environ 90.000 personnes vivent sur les 420 hectares de l'île, selon le gouvernement.

Utilisée à l'origine comme terre agricole, l'île a été occupée il y a plus de 15 ans par des squatteurs qui l'ont transformée en "habitations anarchiques", affirme un rapport du gouvernement publié lundi.

Les autorités ont dans le passé pris des mesures similaires, notamment en 2012 quand l'armée a demandé aux habitants de l'île d'Al-Qoursaya, sur le Nil, de quitter leurs maisons construites sur une zone militaire.

A Warraq, le gouvernement a promis que "ceux disposant de contrats ou de documents officiels prouvant qu'ils sont propriétaires de la terre ne seront pas gênés", selon le même rapport.

Mais pour Hala, cette promesse a été balayée.

"J'ai tous les papiers officiels qui prouvent que mon mari est propriétaire de la maison", assène-t-elle. "Quelle est la raison de cette agression de la part du gouvernement contre des gens simples comme nous?"

Les ordres de démolition "ont été signés le 15 juillet et ils (les services de sécurité) se sont empressés de les exécuter le lendemain sans envoyer le moindre avertissement. Ils ont détruit deux maisons habitées", raconte Nasser Ahmed, 47 ans, un témoin de la scène qui a également vu les documents.

Réserve naturelle

En juin, un mois après le début de la campagne ordonnée par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, les autorités ont annoncé que les terres agricoles illégalement occupées représentaient un total de 798.000 hectares.

Selon le gouvernement, il y a eu des tentatives d'exécuter les ordres de démolition depuis 2007, mais "elles ont toutes échoué".

"Le gouvernement avait promis de ne pas s'approcher des bâtiments habités, mais il l'a fait", déclare à l'AFP Yehia al-Maghrabi, à la tête de la municipalité de l'île pendant 16 ans, jusqu'en 2011.

"Est-ce que l'Etat a oublié pendant dix ans qu'il avait des terres?", s'interroge-t-il.

Selon M. Maghrabi, l'Etat possède jusqu'à 60 feddans (25,2 hectares) sur l'île, dont 55 sont des terres agricoles qui appartiennent au ministère des Biens religieux et à l'Autorité du développement agricole.

Les agriculteurs qui vivent sur ces terres le font légalement car ils paient un loyer aux autorités, ajoute-t-il.

Les cinq feddans restants accueillent, selon lui, 2.500 personnes dans des logements qui existent depuis plus de 60 ans, et les habitants paient à l'Autorité du développement agricole leur droit d'occuper les lieux, selon lui.

En 1998, le gouvernement égyptien avait émis un décret pour faire de l'île une réserve naturelle, une décision raillée par M. Maghrabi.

"Est-il concevable qu'il y ait une réserve naturelle avec des écoles, un hôpital, un centre pour jeunes, un commissariat de police et une municipalité?"

Avec AFP