Territoire de 175.000 km2 à la pointe nord-ouest de la Somalie, le Somaliland a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991. Cette république autoproclamée bat monnaie, a sa propre armée, délivre ses propres passeports, mais n'est reconnue par aucun État de la planète. Cette quête existentielle de reconnaissance rythme depuis 33 ans la vie de la région, qui a sur cette période connu une relative stabilité alors que la Somalie a été ravagée par des décennies de guerre civile et d'insurrection islamiste.
Lire aussi : Accès à la mer Rouge : l'Ethiopie martèle qu'elle ne veut pas de guerreLes trois candidats à la présidentielle du 13 novembre – le président sortant Muse Bihi, le chef du principal parti d'opposition (Waddani) Abdirahman Mohamed Abdullahi dit "Irro" et le leader du parti UCID Faysal Ali Warabe – promettent tous au 1,22 million d'électeurs inscrits de mener leur "pays" à la reconnaissance internationale.
Le président, âgé de 76 ans, affirme que le Somaliland n'en a jamais été aussi près que depuis qu'il a signé en janvier un protocole d'accord avec l’Éthiopie, qui prévoit de louer 20 kilomètres de côtes sur la mer Rouge au pays enclavé. En échange de cet accès crucial à la mer, assure le président, l’Éthiopie deviendra le premier État à reconnaître la république du Somaliland.
Mais cet accord, dont le contenu n'a jamais été rendu public, a suscité la fureur de la Somalie et une désapprobation de la communauté internationale, inquiète d'une déstabilisation de la Corne de l'Afrique. Depuis 10 mois, Addis Abeba et Mogadiscio se livrent à une escalade verbale et militaire, et le texte n'a pas avancé.
Duel de personnalités
Au pouvoir depuis 2017, Muse Bihi assure que l'accord – qui n'est pas contesté par ses adversaires – se concrétisera une fois qu'il sera réélu. "C'est son principal programme électoral", souligne l'avocat et analyste politique somalilandais Guleid Ahmed Jama. "Mais la plupart des gens ne se décideront pas sur le sujet de la reconnaissance", estime-t-il: "Les questions de l'économie et de paix seront le facteur déterminant".
"Pendant les sept années où Muse Bihi était au pouvoir, nous avons reculé", clame ainsi Hood Abdullahi Adan, partisane de la formation d'opposition Waddani, avant d'énumérer: "Nous n'avons pas d'argent, il a mis le pays en conflit (...) Il y a une crise économique, l'inflation, la faim..."
Principal rival de Muse Bihi, "Irro" promet le changement, après 14 ans au pouvoir du parti Kulmiye, sans toutefois donner grand détail sur ses mesures. "Il n'y a pas de différence notable entre les deux principaux partis sur le plan idéologique. Mais il existe des différences de personnalités et c'est très important au Somaliland", note Guleid Ahmed Jama.
Lire aussi : L'Érythrée reçoit les présidents somalien et égyptienAncien diplomate (ambassadeur en URSS et Finlande) et président de la Chambre des représentants (2005-2017), âgé de 68 ans, "Irro" se pose en figure unificatrice face à l'autoritaire Muse Bihi, ancien militaire et leader du mouvement d'indépendance.
Il reproche notamment au président d'avoir attisé des divisions claniques qui ont abouti à la perte d'une partie de la région de Sool, d'où les forces somalilandaises se sont retirées en août 2023 après plusieurs mois de violents combats contre une milice pro-Mogadiscio. Il a reçu dimanche soir le soutien de poids du vice-président sortant Abdirahman Saylici pour cette revanche de l'élection de 2017, quand Muse Bihi l'avait devancé (55,1% contre 40,7%).
Initialement prévue pour novembre 2022, l'élection avait été reportée pour des "raisons techniques et financières". L'opposition avait dénoncé une prolongation du mandat de président. Des manifestations avaient été violemment réprimées, faisant cinq morts.
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