Erdogan menace la "force frontalière" syrienne parrainée par Washington

Le président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan lors du Forum de Bloomberg sur le business mondial à New York, 20 septembre 2017.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé lundi de lancer une opération visant à "tuer dans l'oeuf" une force que Washington souhaite constituer en Syrie avec notamment des combattants kurdes qu'Ankara considère comme "terroristes".

L'annonce de la création prochaine de cette force de 30.000 combattants dans le nord de la Syrie a provoqué un regain de tension entre les Etats-Unis et la Turquie, qui craint de voir les milices kurdes syriennes s'implanter durablement à sa frontière.

"L'Amérique a avoué qu'elle était en train de constituer une armée terroriste à notre frontière. Ce qui nous revient, à nous autres, c'est de tuer dans l'oeuf cette armée terroriste", a lancé M. Erdogan lors d'un discours à Ankara.

La coalition emmenée par les Etats-Unis pour lutter contre le groupe Etat islamique (EI) a annoncé dimanche la création de cette "Force de sécurité frontalière" pour "empêcher la résurgence" des jihadistes.

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La force frontalière, qui se constituera "au cours des prochaines années" selon la coalition, sera composée pour moitié par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes, le reste des effectifs seront de nouvelles recrues.

Or les FDS sont dominées par les Unités de protection du peuple kurde (YPG), une milice kurde considérée par la Turquie comme l'extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui livre une sanglante guérilla contre Ankara depuis 1984.

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"Un pays, que nous qualifions d'allié, insiste pour implanter à notre frontière une armée terroriste, en dépit de toutes nos objections, de nos mises en garde et de nos recommandations bien intentionnées", a déploré M. Erdogan.

Opération 'à tout moment'

Le porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag, a accusé lundi Washington de "jouer avec le feu" en constituant cette force.

Dans ce contexte de vives tensions, M. Erdogan a affirmé que l'armée turque était "prête" à lancer une opération "à tout moment" contre les bastions des YPG à Afrine et Minbej, dans le nord de la Syrie.

"Les préparatifs sont terminés, l'opération peut commencer à tout moment", a affirmé M. Erdogan, ajoutant que "les opérations se (poursuivraient) jusqu'à ce qu'il ne reste plus un seul terroriste".

L'armée turque a envoyé lundi un convoi d'une vingtaine de blindés à la frontière avec la Syrie, selon l'agence de presse étatique Anadolu.

La Turquie a déjà lancé une offensive dans le nord de la Syrie en août 2016 pour repousser vers le sud les jihadistes de l'EI, mais également pour contrer l'expansion territoriale des milices kurdes.

Si la Turquie voit les YPG comme des "terroristes", les Etats-Unis considèrent cette force comme l'une des plus efficaces pour combattre l'EI au sol.

Appuyées par la coalition internationale, les FDS ont ainsi été le fer de lance de la prise l'an dernier de Raqa, bastion de l'EI dans le nord de la Syrie.

Cette divergence de vues au sujet des milices kurdes a fortement contribué à tendre les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, pourtant alliés au sein de l'Otan.

En parallèle de ces tensions avec Washington, Ankara, qui appuie l'opposition syrienne, a renforcé ces derniers mois sa coopération avec Moscou, qui soutient le président Bachar al-Assad.

L'annonce de la création de la nouvelle force frontalière en Syrie a également fait réagir la Russie, dont le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a dit lundi attendre "des explications détaillées".

Le régime syrien a également condamné le projet de création de la force frontalière : une source diplomatique syrienne, citée par l'agence officielle Sana, a qualifié de "traître à la nation" quiconque la rejoindrait.

Ces développements surviennent alors que la Turquie a condamné ces derniers jours la multiplication des frappes des forces du régime de Damas sur la province rebelle d'Idleb (nord-ouest).

Ankara s'inquiète en outre d'une éventuelle participation des YPG à un congrès que le président russe Vladimir Poutine souhaite organiser les 29 et 30 janvier dans la station balnéaire de Sotchi afin de trouver une issue à ce conflit qui a fait plus de 340.000 morts.

La Turquie a fait savoir qu'elle ne s'associerait pas à cette initiative si des représentants des milices kurdes devaient s'y joindre.

Avec AFP