Les immigrés haïtiens sous la menace d'une vague d'expulsions aux États-Unis

"55.000 Haïtiens survivent toujours dans des camps de fortune dans des conditions très difficiles"- OIM

Bernedy Prosper en est convaincu: si son fils de 23 ans est renvoyé en Haïti par les autorités américaines, il risque sa vie. Et à l'instar de 4.000 concitoyens haïtiens, le jeune Harold vit sous la menace d'une expulsion imminente.

Il y a peu encore, le père de 52 ans avait espoir qu'Harold puisse bénéficier d'un statut spécial accordé aux immigrés haïtiens aux Etats-Unis, dans la foulée du séisme en 2010 qui avait dévasté le pays le plus pauvre de la Caraïbe.

Mais en raison d'un changement de politique aux Etats-Unis fin 2016, le jeune homme est visé par une vague d'expulsions.

Un horizon encore assombri par l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a promis d'expulser jusqu'à trois millions de clandestins et la construction d'un mur à la frontière du Mexique pour endiguer l'immigration.

C'est cette frontière américano-mexicaine qu'Harold a franchie illégalement, fatigué d'attendre la procédure légale de regroupement familial depuis que son père, lui aussi arrivé aux Etats-Unis sans papiers, a posé le pied en Floride en 2000.

Mais le jeune homme a été arrêté à San Diego, dans le sud de la Californie.

"Je pense que s'il est renvoyé en Haïti, je n'ai plus de fils", lâche Bernedy Prosper, tête baissée et voix fataliste, debout dans un centre d'aide pour immigrés dans le quartier de Little Haïti, à Miami.

'Indécent'

Sept ans après le terrible séisme qui a tué plus de 200.000 personnes en janvier 2010, 55.000 Haïtiens survivent toujours dans des camps de fortune dans des conditions très difficiles, selon l'Organisation internationale des migrations.

Mais en fin d'année dernière, l'administration sortante de Barack Obama a décidé que les Haïtiens ne rentraient plus dans le cadre du Temporary Protection Status (TPS), réservé aux victimes de catastrophes naturelles, qui leur permettait de vivre légalement aux Etats-Unis.

"La situation en Haïti s'est suffisamment améliorée pour permettre au gouvernement américain de retirer les citoyens haïtiens plus régulièrement" de cette liste, avait décrété Washington fin septembre dernier.

Quelques jours plus tard, début octobre, l'ouragan Matthew a balayé Haïti, faisant 500 morts et privant de domicile plusieurs milliers d'Haïtiens.

Les autorités américaines avaient alors cessé les expulsions pendant un mois, avant de les reprendre en novembre.

L'accélération du processus depuis quelques mois est tel que 4.000 Haïtiens sont désormais sous le coup d'un renvoi dans leur pays, contre 267 en janvier 2016, selon les chiffres gouvernementaux. Et quelque 1.600 d'entre eux ont déjà été expulsés depuis octobre dernier.

Le TPS reste en vigueur jusqu'en juillet et ceux qui bénéficient déjà de ce statut conservent leurs avantages.

"Nous recevons des appels téléphoniques désespérés. Malheureusement, nous ne pouvons rien y faire", se désole Steve Forester, de l'Institut pour la justice et la démocratie à Haïti.

"C'est tout simplement mauvais, immoral voire indécent d'expulser des personnes maintenant, tout en étant conscient de la souffrance du peuple ici et sachant que le gouvernement haïtien n'a pas la capacité de prendre en charge ces gens", ajoute-t-il.

Dans la foulée du séisme de 2010, nombre d'Haïtiens ont émigré vers l'Amérique centrale, dans l'espoir de rallier les Etats-Unis en passant par le Mexique.

En 2012, environ 600.000 citoyens d'Haïti avaient migré aux Etats-Unis, pour la plupart en Floride, selon l'institut Migration Policy.

Un circuit que le nouveau président Donald Trump entend tarir.

Avec AFP