"Moi, Abiy Ahmed Ali, aujourd'hui devant la Chambre des Représentants du Peuple, j'accepte d'être nommé Premier ministre, tout comme je m'engage à remplir avec devoir et avec fidélité envers la Constitution la responsabilité qui m'est donnée par le peuple", a-t-il déclaré alors qu'il était investi par la présidente de la Cour Suprême Meaza Ashenafi.
Son parti, le Parti de la prospérité, a remporté une victoire écrasante aux élections du 21 juin, signe, selon son administration, qu'il a reçu l'onction populaire attendue et le soutien à ses réformes démocratiques engagées depuis son arrivée au pouvoir en 2018.
Mais le vote s'est déroulé dans un contexte politique et humanitaire tout sauf apaisé: des dizaines de milliers de personnes ont été tuées dans le conflit dans la région du Tigré (nord) et des centaines de milliers de personnes sont menacées par la famine, selon l'ONU -- de quoi ternir l'aura de celui qui avait reçu le prix Nobel de la paix en 2019.
Depuis lors, les combats se sont propagés aux régions voisines de l'Afar et de l'Amhara, tandis que le Tigré est tombé dans ce que l'ONU qualifie de blocus humanitaire de facto, alimentant les craintes d'une famine de grande ampleur à l'image de ce qu'avait vécu l'Ethiopie dans les années 1980.
Il n'est pas certain que l'investiture d'Abiy Ahmed ait des effets sur l'offensive menée par les forces gouvernementales contre les rebelles tigréens du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui dominaient la vie politique nationale avant l'arrivée d'Abiy Ahmed au pouvoir.
Le bureau du Premier ministre, qui accuse les rebelles d'avoir déclenché la guerre en novembre 2020 en attaquant des camps de l'armée fédérale, a indiqué que certaines mesures de conciliation, telles la déclassification du TLPF comme "groupe terroriste", pourraient seulement avoir lieu après la formation d'un nouveau gouvernement.
"La position est de dire que tout changement d'approche dans le conflit avec les forces du Tigré ne peut se produire qu'après la formation d'un nouveau gouvernement", juge William Davison, analyste au sein de l'International Crisis Group.
Les partenaires internationaux, comme les Etats-Unis, qui ont menacé d'imposer des sanctions ciblées en lien avec le conflit, "vont regarder cela de très près pour voir s'il y a le moindre changement de position", ajoute-t-il.
Un rassemblement était prévu lundi après-midi à Meskel Square, l'une des grandes places d'Addis Abeba, auquel devaient participer les présidents du Nigeria, de la Somalie et du Sénégal.
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"Déçus"
Les relations avec la communauté internationale se sont encore dégradées la semaine dernière, lorsque le ministère éthiopien des Affaires étrangères a annoncé l'expulsion sous 72 heures de sept responsables d'agences de l'ONU, parmi lesquelles le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) et le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha).
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit "choqué" et l'ONU a remis une protestation officielle à l'Ethiopie après cette décision jugée illégale par l'Organisation.
Les pays occidentaux sont "déçus" par Abiy Ahmed, un sentiment qui devrait façonner les relations de l'Ethiopie avec les puissances étrangères lors de son deuxième mandat, estime Cameron Hudson, membre de l'Africa Center de l'Atlantic Council.
"L'Occident va probablement revenir à un manuel stratégique qu'il connaît: faire pression là où c'est possible, s'impliquer là où il le faut, et rester à un poste d'observation pour de meilleures alternatives", résume-t-il auprès de l'AFP.
Abiy Ahmed avait été nommé Premier ministre après plusieurs années de manifestations anti-gouvernementales contre la coalition au pouvoir dirigée par le TPLF et avait promis de rompre avec la gouvernance autoritaire du passé, notamment par la tenue d'élections les plus démocratiques jamais vues dans le pays.
Lors des élections, notamment dans la région d'origine du Premier ministre, l'Oromia, certains partis d'opposition ont décidé de boycotter le vote, se plaignant que leurs candidats aient été arrêtés et leurs bureaux vandalisés.
Aucun vote n'a eu lieu au Tigré, et le scrutin pour 83 autres sièges parlementaires fédéraux a dû être reporté en raison de problèmes de sécurité ou de logistique.
La semaine dernière, les autorités ont organisé des élections pour 47 de ces sièges dans trois régions: Somali, Harari, et la région des Nations, Nationalités et Peuples du Sud (SNNP).
Les résultats de ces élections, qui ne devraient pas peser sur l'équilibre des pouvoirs au parlement, ne sont pas attendus avant le 10 octobre au plus tôt.