Ethiopie: quatre employés de presse arrêtés au Tigré

Des hommes sont assis au sommet d'une colline surplombant une partie du camp de réfugiés d'Umm Rakouba, accueillant des personnes qui ont fui le conflit dans la région du Tigray en Éthiopie, à Qadarif, dans l'est du Soudan, le 14 décembre 2020.

Quatre employés de presse dont un traducteur collaborant avec l'Agence France-Presse ont été arrêtés depuis samedi dans la région du Tigré (Nord) où l'armée éthiopienne mène une opération militaire depuis début novembre, a-t-on appris auprès de leurs proches et employeurs.

Deux traducteurs éthiopiens, Fitsum Berhane et Alula Akalu, ont été placés en détention samedi après avoir travaillé pendant trois jours avec les journalistes de l'AFP et du Financial Times, qui avaient obtenu de l'Autorité éthiopienne des médias (EBA) et du ministère éthiopien de la Paix l'autorisation de couvrir la situation au Tigré.

Fitsum Berhane a été arrêté à son domicile par des soldats dans la nuit de vendredi à samedi, a rapporté sa famille à l'AFP.

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Son collègue a été interpellé le lendemain alors qu'il déjeunait avec des proches.

Un troisième homme, le journaliste Temrat Yemane, a été arrêté samedi à Mekele.

Tard lundi soir, la BBC a par ailleurs annoncé que l'un de ses journalistes, Girmay Gebru, avait également été arrêté par l'armée à Mekele.

"Selon des témoins, (il) a été arrêté avec quatre autres personnes dans un café" de la ville et "aurait été emmené dans un camp militaire de Mekele", indique-t-elle sur son site internet.

"La BBC tente d'établir le motif de sa détention mais a fait part de sa préoccupation aux autorités éthiopiennes", précise la BBC.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a souligné dans un communiqué lundi que ces arrestations vont "sans aucun doute susciter de la peur et de l'autocensure".

"Les autorités éthiopiennes devraient libérer immédiatement ces journalistes et employés de presse et fournir des garanties que la presse peut couvrir le conflit au Tigré sans intimidation", ajoute-t-il.

- Pas de charge précise -

Fitsum Berhane et Alula Akalu sont détenus dans les locaux d'une école militaire près de l'université de Mekele, selon leurs familles.

Ces dernières n'ont pas pu les voir et aucune explication officielle n'a été donnée pour expliquer leur arrestation.

Contacté par l'AFP lundi, Mulu Nega, chef de l'administration intérimaire mise en place par Addis Abeba au Tigré, a déclaré: "Ils font l'objet d'une enquête. D'après ce que nous savons, il y a déjà des éléments de preuve", sans plus de précisions.

L'AFP et le Financial Times font partie d'un groupe de sept médias internationaux qui ont été récemment autorisés à se rendre au Tigré. Cette région de l'extrême nord de l'Ethiopie a pendant plusieurs mois été très difficile d'accès, tant pour les journalistes que pour les travailleurs humanitaires.

"Nous ne sommes informés d'aucune charge précise pesant contre Fitsum Berhane, et sa seule collaboration avec un média ne saurait être un motif pour son arrestation. Nous demandons donc sa libération dans les plus brefs délais", a appelé Phil Chetwynd, le directeur de l'information de l'AFP.

Le Financial Times a de son côté indiqué "prendre toutes les mesures possibles pour obtenir la libération" des deux traducteurs, le quotidien précisant continuer d'essayer "de comprendre les raisons de leurs arrestations".

Le Premier ministre éthiopien et prix Nobel de la Paix 2019 Abiy Ahmed a ordonné début novembre 2020 une opération militaire d'envergure contre les autorités dissidentes du Tigré, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), après les avoir accusées d'avoir attaqué des bases de l'armée fédérale.

M. Abiy a proclamé la victoire fin novembre avec la prise de la capitale régionale Mekele, mais les autorités en fuite de la région ont promis de poursuivre la lutte et des combats ont été signalés depuis.

La semaine dernière, le directeur général adjoint de l'EBA, Wondwosen Andualem, avait invité les médias internationaux à rapporter les faits avec exactitude, sous peine d'en subir les conséquences.

"Les médias autorisés à voyager au Tigré lors de cette première rotation doivent travailler avec professionnalisme" ou il y aura "des mesures de correction", avait-il mis en garde.