Londres promet de traduire en justice les responsables de l'empoisonnement de l'ex-espion russe

Le commissaire Mark Rowley et la cheffe de l'équipe médicale Sally Davies donnent une conférence de presse sur l'affaire Sergei Skripal, devant l'entrée de Scotland Yard à Londres, le 7 mars 2018.

Le gouvernement britannique s'est engagé à tout faire pour traduire en justice les responsables de l'empoisonnement d'un ex-agent double russe et de sa fille au Royaume-Uni, une tentative de meurtre qui attise les tensions entre Londres et Moscou, le principal suspect.

"Nous nous engageons à ce que tout soit fait pour que les responsables soient traduits en justice", a déclaré la ministre de l'Intérieur Amber Rudd devant les députés britanniques, dénonçant une attaque "sans foi ni loi".

L'ancien espion Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, "visés spécifiquement" par l'administration d'un agent innervant selon la police, demeuraient "inconscients et dans un état critique mais stable", a précisé Mme Rudd.

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Le policier hospitalisé après leur être venu en aide est lui "conscient et parle", même si son état est "grave mais stable".

Un agent innervant est une substance chimique qui agit sur le système nerveux, avec une issue potentiellement fatale. Parmi les plus connus figurent le sarin et l'agent VX, utilisé pour assassiner le demi-frère de Kim Jong-un en février 2017.

La nature du poison utilisé sur l'ex-espion et sa fille, retrouvés dimanche inconscients sur un banc près d'un centre commercial à Salisbury (sud de l'Angleterre), a été identifiée sans être révélée. Elle permettra d'en identifier "la source", avait indiqué mercredi le chef de la police anti-terroriste, Mark Rowley.

Substance 'très rare'

Interrogée sur la BBC, Amber Rudd a indiqué qu'il s'agissait d'une substance toxique "très rare".

Mais elle s'est refusée à spéculer sur les responsables du crime, alors que nombreux sont ceux à y voir la main de Moscou, déjà impliqué selon Londres dans l'empoisonnement au polonium-210 d'Alexandre Litvinenko, un ancien agent des services secrets russes, à Londres en 2006.

"Si nous voulons être rigoureux dans cette enquête, nous devons éviter les spéculations et permettre à la police de poursuivre son enquête", a-t-elle dit aux députés.

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Elle a toutefois assuré qu'une fois les faits établis, son gouvernement réagirait "sans hésitation" et "de façon ferme et appropriée".

Son collègue aux Affaires étrangères, Boris Johnson, a pris moins de pincettes, pointant la Russie du doigt dès mardi. De quoi attiser les tensions avec Moscou qui a de son côté dénoncé une "campagne anti-russe".

Le ministre britannique de la Défense, Gavin Williamson, a estimé jeudi sur ITV que la Russie devenait "une menace de plus en plus grande" tandis que le député conservateur Nick Boles a demandé que Londres prennent ses distance avec Moscou. "Je ne vois pas comment nous pouvons maintenir des relations diplomatiques avec un pays qui assassine des gens sur le sol britannique", a-t-il tweeté.

La Première ministre britannique Theresa May a indiqué que son gouvernement pourrait considérer un éventuel boycott diplomatique de la prochaine Coupe du monde de football en Russie. La presse britannique, citant des sources proches de la maison royale, a rapporté que le prince William, président de la Fédération anglaise de football, n'assisterait pas à l'événement sportif bien qu'il n'avait été annoncé qu'il irait.

'Cadeau'

A Salisbury, la police continuait son enquête, reconstituant les déplacements de Sergueï Skripal et de sa fille. Ces derniers auraient déjeuné dans un restaurant de l'enseigne de pizzeria Zizzi, où selon des témoins cités par les médias il était très agité, et auraient pris un verre au pub The Mill. Les deux établissements demeuraient fermés au public jeudi.

Ancien colonel du service de renseignement de l'armée russe, Sergueï Skripal avait été accusé de "haute trahison" pour avoir vendu des informations au renseignement britannique, et condamné en 2006 à 13 ans de prison. En 2010, il avait fait l'objet d'un échange de prisonniers organisé entre Moscou, Londres et Washington, et s'était installé en Angleterre.

La police tente de clarifier si sa fille, qui est arrivée au Royaume-Uni en provenance de Moscou la semaine dernière en apportant un "cadeau offert par des amis", a introduit elle-même de cette manière l'agent innervant dans le pays, selon The Times. Autre hypothèse: le poison aurait été vaporisé sur eux ou introduit dans leur nourriture ou boisson.

Le journal affirme que les enquêteurs se penchent également sur le décès en 2012 de l'épouse de Skripal des suites d'un cancer, de même que sur la mort soudaine de son frère il y a deux ans et celle de son fils l'année dernière à Saint-Pétersbourg, en raison d'une maladie du foie.

Avec AFP