Gabon : Farlo, champion de boxe... dans ses rêves

L’arbitre en chemise blanche soulève le bras de Farlo Ndzinga, à gauche, à l’issue d’un combat au Gabon, 21 mai 2017.

En 1974 à Kinshasa, Mohammed Ali reprenait son titre mondial des poids-lourds à George Foreman, l'un des plus grands combats de tous les temps. Quarante-trois ans plus tard toujours en Afrique centrale, un jeune boxeur gabonais rêve d'égaler son idole - mais doit d'abord convaincre qu'il est bien le champion du Gabon.

Combat, footing sur les plateaux du Haut-Ogooué (sud-est du Gabon), volonté de fer, Farlo Ndzinga, 24 ans, s'entraîne dur pour défendre sa ceinture de champion national catégorie 56kg lors des championnats nationaux prévus le 4 août.

"J'étais tellement content d'être champion du Gabon. Mon coach était vraiment très fier de moi. Il a pleuré, moi aussi j'ai pleuré... Je veux me battre pour garder ce titre !", se souvient-il au sujet de sa prétendue victoire en 2015, date du dernier championnat national, à Oyem (nord).

Seul problème: le jeune homme de 24 ans n'est tenant du titre que pour son coach et ses copains de quartier, affirme une bonne partie du petit cercle local des amateurs de boxe.

Son nom n'apparaît nulle part dans les classements officiels, et ses uppercuts sur le ring n'ont pas marqué la mémoire des spécialistes.

"Farlo n'a pas gagné ce combat, et je n'ai pas souvenir qu'un expert, qu'un juge ou qu'un arbitre ait contesté la victoire de Mze Moto (le champion officiel, ndlr). C'est Nze Moto qui avait gagné", affirme Brice Ntoutoume, journaliste sportif et spécialiste de la boxe gabonaise.

La fédération, contactée par l'AFP, n'a pas souhaité faire de commentaire. A l'image de bien des instances sportives gabonaises (football, cyclisme...), la Fégaboxe a connu des soubressauts et souhaite faire table rase du passé maintenant qu'elle a changé de direction.

"S'il se prétend champion, il devra confirmer aux championnats 2017", dit-on seulement à la fédération.

Face à la polémique, Farlo ne jette pas l'éponge: "Nze Moto, je l'ai battu. Le pays a besoin de vrais champions, pas de gens qui ne le méritent pas".

Mythomane ou victime de tricherie? La question ne se pose même pas pour ses proches et son coach à Moanda, sa petite ville du Haut-Ogooué.

"Evidemment qu'il a gagné à Oyem en 2015 ! On était là, pour le soutenir", affirme Scott, "sparring-partner" de Farlo dans leur club.

-"Les magouilles c'est fini"-

"Le classement officiel est une mascarade. Farlo a battu Nze Moto par KO au premier tour. Si Nze Moto a quand même eu la médaille, c'est parce que sa mère était juge arbitre", proclame Philippe Engandja, président de la ligue de boxe du Haut-Ogoué.

"La boxe ne va pas bien. Comme les autres boxeurs du pays, Farlo pâtit du milieu", soupire M. Egandja, qui veut lui aussi tourner la page: "Nous avons un nouveau directeur de fédération, les magouilles c'est fini".

Le coach du boxeur n'est pas le dernier à chanter les louanges de son poulain: "Farlo est le meilleur de sa catégorie", raconte Ferdinand Samayoka, qui nourrit de grandes ambitions: "Pour moi, le rêve, c'est qu'il participe aux grandes compétitions internationales: les championnats d'Afrique, les éliminatoires des JO".

Envoyant la polémique au tapis d'un direct du gauche, le jeune homme poursuit ses rêves: "Je veux combattre pour mon pays, faire comme Taylor Mabika", proclame-t-il en référence au boxeur gabonais, star nationale dont personne au Gabon ne conteste le titre de champion du monde dans la catégorie des lourds-légers (IBU).

En attendant, quand il n'est pas sur un ring ou qu'il ne court pas sur les plateaux, son horizon se limite au parking de la station-service où, dans la vie, il porte des bonbonnes de gaz.

Comme tous les boxeurs gabonais, Farlo est amateur. Sans statut, il prépare le championnat national en parallèle de son emploi. "J'ai dû me trouver un remplaçant en ce moment, ce n'est pas possible de tout gérer", affirme-t-il.

"Ca va changer maintenant, les bons boxeurs seront semi-pros à l'automne, et c'est au talent que ca se jouera", espère le président de la Ligue provinciale.

Le jeune homme veut égaler Mohamed Ali, le héros de Kinshasa, avec un oeil sur l'Asie: "Je serai aux JO à Tokyo, c'est sûr!". Et un de ses amis de demander: "c'est le meilleur, pourquoi n'y serait-il pas?"

Avec AFP