Manifestations massives en Guyane pour la "journée morte"

Barrages routiers à Cayenne le 26 mars 2017.

Chants, banderoles, bonne humeur mais détermination : la mobilisation a été massive en Guyane mardi, décrété "journée morte" après plusieurs jours de grogne sociale dans ce territoire français d'Amérique du Sud.

Entre 8.000 et 10.000 personnes manifestaient à Cayenne à 12h (15h TU) et 3.500 à 4.000 à Saint-Laurent-du-Maroni, l'autre grande ville guyanaise, selon les services de l'État.

Ces rassemblement constituent "la plus grosse manifestation jamais organisée" sur ce territoire, a-t-on relevé de même source.


A un mois du premier tour de la présidentielle française, le 23 avril, la Guyane qui connaît un fort taux de chômage et une insécurité chronique, a fait irruption dans la campagne ces derniers jours : barrages, mouvements sociaux et, depuis lundi, grève générale.

A Cayenne, beaucoup de drapeaux guyanais étaient brandis mardi, ainsi que des banderoles reprenant le slogan "nou bon ké sa" - "ça suffit" en créole - qui a fleuri ces derniers jours sur les barrages.


Dans le cortège, des participants parlaient aussi d'une mobilisation "historique".

"Nous voulons que l'État nous donne les moyens. Ca fait trop longtemps que ça dure. L'État doit reconnaître la population guyanaise", a lancé une manifestante.


Après une affluence décevante lundi, les manifestations de la "journée morte" relèvent du plébiscite pour l'Union des travailleurs guyanais (UTG), dont les 37 syndicats membres ont voté à la quasi-unanimité l'arrêt du travail.

Le collectif des protestataires "Pou La Gwiyann dékolé" ("pour que la Guyane décolle", qui regroupe autant des collectifs contre la délinquance et pour l'amélioration de l'offre de soins, que l'UTG ou les avocats guyanais) s'en trouve renforcé alors qu'il n'est toujours pas disposé à rencontrer une délégation interministérielle arrivée samedi.

"On attend la ministre" des Outre-mer, Ericka Bareigts, a indiqué à l'AFP lundi, Jean-Hubert François, président du syndicat des jeunes agriculteurs.


Une délégation ministérielle doit arriver en Guyane "avant la fin de la semaine", "si toutefois les conditions du respect (...) et de l'ordre républicain sont réunies", indiquait lundi soir le Premier ministre Bernard Cazeneuve.

- 'Dialogue' -

Le Premier ministre s'est entretenu par téléphone quelques heures plus tard avec l'évêque de Guyane, Emmanuel Lafont, pour "lui faire passer des messages d'apaisement", à savoir "favoriser le dialogue et contribuer à apaiser la situation sur place", selon ses services.

Le ministre de l'intérieur Mathias Fekl a lui aussi lancé lundi soir un appel au calme mais a prévenu : "On ne dialogue pas en cagoule . On dialogue le visage découvert", en référence à un groupe baptisé "Les 500 frères", créé récemment par des citoyens pour lutter contre "l'insécurité" en Guyane, et qui manifeste toujours encagoulé.


De son côté, l'ancienne garde des Sceaux, la Guyanaise Christiane Taubira, a appelé mardi au "dialogue" avec une "plus grande implication des élus locaux".

Une mission de hauts fonctionnaires, envoyée par Paris, s'active depuis samedi en Guyane. Alors que le représentant de l'État, le préfet Jean-François Cordet, qui la pilote, a annoncé de "premiers résultats" obtenus depuis samedi, tels que "la fidélisation d'un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne" ou une enveloppe de "60 millions d'euros supplémentaires" pour le très endetté hôpital de Cayenne, un porte-parole des grévistes a réclamé "un plan de développement et pas des mesurettes".

Il y a "un vrai stress sur l'insécurité. Viennent ensuite la santé et l'éducation", a confié à l'AFP Michel Yahiel, ancien "conseiller social" du président socialiste François Hollande et membre de la délégation.


Le Défenseur des droits Jacques Toubon, qui avait formulé en février de nombreuses recommandations pour améliorer l'accès aux droits et aux services publics en Guyane, s'est dit "particulièrement inquiet", dans un communiqué.

Avec AFP