Huit ans après l'explosion de Brazzaville, les victimes attendent toujours d’être dédommagées

Un survivant est assis parmi les débris laissés par l'explosion la veille au quartier de Mpila à Brazzaville, le 5 mars 2012. (Photo: Patrick Fort /AFP)

Le 4 mars 2012, une explosion dans un dépôt de l'armée au cœur de Brazzaville secoue la ville, faisant des centaines de victimes et plus de 2000 blessés. Les victimes attendent toujours d’être indemnisées.

Les habitants de Brazzaville se sont souvenus ce 4 mars de l'explosion du dépôt de munitions de Mpila qui a officiellement tué 300 personnes et fait quelque 2.300 blessés.

Quelques semaines après cette explosion en 2012, le gouvernement avait alloué une prime de relogement de 3 millions de francs CFA à chaque famille touchée. Ce soutien financier devait être suivi d'autres actions, telles la reconstruction des maisons ou l'indemnisation des parents des victimes. Huit ans plus tard, ces promesses ne sont pas réalisées.

Huit ans après, les victimes attendent toujours d'être indemnisées.

Si certaines réclament la reconstruction de leurs maisons qui ont été rasées lors du désastre, d’autres n’ont toujours pas reçu le dédommagement d'un proche tué dans cette explosion. Nombreux parmi ceux qui ont été blessés disent attendre à ce jour des soins médicaux appropriés. Des amputés lamentent le fait qu’ils n’ont pas reçu de bonnes prothèses.

Pourtant le temps passe vite. Sylvie Mbon, relogée à Kintele, à une quarantaine de kilomètres du centre-ville, est revenue voir les ruines de ce qui autrefois était sa belle maison familiale. « C'est ici que j'ai grandi. Là-dedans, mon père et mon petit frère ont disparu. Nous avons pu retrouver et enterrer les restes de papa, mais pas le cadet », témoigne-t-elle entre deux sanglots.

« Mais je ne pleure pas à cause des disparus, c'est parce que l'Etat nous a abandonnés. Notre maison n'est pas reconstruite et la mort de notre frère n'est pas dédommagée. C'est triste », ajoute-t-elle.

Sylvie n'est pas seule dans son cas.

« C'est l'Etat qui avait stocké ses explosions ici dans un quartier populaire. Nous avons perdu les parents, les maisons et autres biens. Le gouvernement ne dit rien », déplore Alphonse Mobali, une autre victime, habitant le quartier Kanga Mbandji.

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Dans le voisinage de l'ancien quartier Mpila rasé par l'explosion, une société chinoise a achevé la construction de quelque 800 logements sociaux. Ce projet, lancé en 2009, a coûté 29,3 milliards de francs CFA à l'Etat congolais.

Mais ces nouvelles maisons ne sont toujours pas occupées.

Elles coûtent trop cher, entre 14 et 42 millions de francs CFA, selon l'une des agences immobilières qui les gèrent. Selon la loi, les victimes du drame du 4-mars sont prioritaires pour l'occupation de ces logements sociaux.

« Ils savent que nous n'aurons jamais les fameux 40 millions pour accéder à ces maisons. Elles sont là, elles traînent », fait constater Sylvie Mbon.

Un montant hors de portée en effet si on considère qu’en République du Congo un homme gagne en moyenne 119 000 francs CFA par mois – et une femme beaucoup moins, soit 60 000 francs – selon un rapport de la Banque mondiale datant de 2017.

En juin 2013, les autorités ont organisé un procès qui a abouti à la condamnation de six personnes dont un officier supérieur, le colonel Marcel Ntsourou, condamné à cinq ans de travaux forcés. Un verdict qui n'avait pas totalement satisfait les victimes, car sur le civil, la justice ne s'était pas prononcée sur des indemnisations.

Le gouvernement avait pris en charge les obsèques des personnes décédées dans cette explosion, et l'inhumation avait eu lieu dans un cimetière spécial au centre-ville. Les premières années, un hommage officiel a été réservé à leur mémoire. Depuis deux ans, ce rituel n'est plus observé.

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